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Les Baladantes
9 décembre 2014

Quand Hooper inspire les auteurs

Atelier d'écriture inspiré par les peintures d'Edouard Hooper

TAJ       09 Décembre 2014

Edward Hopper – Office at night (1940)                 

images

 

 

 

 

72 HEURES – PAYES TES DETTES, OU BOIS LA TASSE – DERNIER AVERTISSEMENT...

 

 

 

Lui

— Tu sucres les fraises là, contrôles toi bon sang ! Toi d'habitude si fier de ton bluff, te v'la les nerfs à vif. Arrêtes donc de te donner en spectacle devant la grande cruche. Tu maîtrises rien là, reprends toi bordel ! Les crapules, une lettre anonyme jusque dans mon bureau. Ils ont le bras long. L'asperge n'aura rien vu bien entendu. « Je sais pas Monsieur Edwards ». « J'ai rien entendu Monsieur Edwards ». « J'me souviens pas Monsieur Edwards. » Elle peut pas zieuter ailleurs ! Pourquoi qu'elle me lorgne comme ça, la gourde, j'ai quand même pas mis ma culotte à l'envers ?

 

Elle

— On étouffe. Quelle chaleur ! La fenêtre ouverte n'arrange pas grand chose, une véritable haleine du diable ce courant d'air. Y'a encore des dossiers qui traînent par terre. Ça arrive tout le temps. J't'en fiche mon billet qu'il le fait exprès. Il attend quoi Monsieur Edwards ? Que je les ramasse peut-être, ses dossiers ? En attendant sur ma fiche de paye y'a écrit secrétaire, pas bonniche. Je parierais qu'il compte sur une vue plongeante de mon corsage. Le pervers ! Attends je vais lui en faire baver un peu.

Lui

— Les gangsters ! Fameuse idée de recourir à Pépino. Je vais finir au fond de la baie dans des bottes en ciment moi ! Les vermines, pour huit cent malheureux petits dollars. Pépino, ça va pas lui changer la vie huit cent dollars... merde ! Merde ! MERDE ! Faudrait que je me refasse presto. Le quinze du mois et j'ai déjà flambé la pension de Nora et ma paye avec. Si seulement j'avais les quarante dollars pour payer l'anté[1], je tenterais le coup au Panther's Club. Huit cent dollars ça se refait en une heure. J'avais pourtant promis à Nora d’arrêter de jouer. J'aurais du l’écouter Nora, maintenant me v'la raide comme un passe lacet.

Elle

— Je dégouline de partout dans cette robe. Pourquoi les couturiers font-ils des habits qui collent comme ça ? Comme dit maman, la mode créée par les hommes permet à d'autres hommes de se rincer l’œil. Moi, Monsieur Edwards ça me dérange pas qu'il se rince l’œil. Il peut se rincer l’œil tant qu'il veut. Je le trouve mignon avec sa raie au milieu et son petit costume gris qui éclaire ses jolis yeux myosotis. En plus il sent bon l'after-shave poivré, j'adore ça. Aïe ! Aïe ! Aïe ! Elles me martyrisent ces chaussures. J'ai les pieds qui gonflent par cette chaleur. Pourquoi faut-il toujours que je m’achète une pointure trop petite, 40 ça reste pourtant dans la moyenne, non ?

Lui

— Elle attend quoi la greluche ? Tout a l'heure elle a voulu s'absenter pour aller au guichet, j'ai pas fait d'histoires, je joue pas les patrons chiants, moi. Mais faudrait pas qu'elle s'imagine que j'en pince pour elle. Je vais vite changer de ton si elle continue avec ses regards de cocker martyrisé. Moi je m'en fiche des femmes. La Quinte Flush Royale voilà mon ambition. J'ai pas besoin de jupons ni de bavardages dans la vie. En plus ça coûte cher les femmes. Quand je pense à tous les biftons que j'ai claqués pour la santé fragile de Nora ! Au final, j'ai bien fait de m'en défaire de la rombière. Un trou à la cave, une tonne de charbon par dessus, voilà l'travail, ni vu ni connu. Les services sociaux peuvent continuer à payer, ça me va très bien, j'encaisse.

Elle

— Quelle poisse ces heures supplémentaires. Un vendredi, je m'en serai bien passée. J'vais me retrouvée dans le dernier train, au milieu de la bousculade du 'Happy Hour', à faire la sardine dans la foule des costards alcoolisés. Charmant ! Évidement on aura droit aux mains baladeuses, elle va encore se faire peloter les fesses la Daisy. Mes belles fesses premier choix comme dit maman. Monsieur Edwards avec son petit air bégueule, je parie qu'il les regarde mes fesses quand je sors du bureau. Si seulement il s’intéressait un peu à moi, sans hésitation que je sauterais dans son lit. Mais rien, pas un sourire, pas un mot gentil. J'ai beau tricoter des guibolles quand je tape à la machine, il lève pas un sourcil le mufle. Pourtant s’il se doutait ! Arrête Daisy ! Tu frétilles. Comme si la sueur te suffisait pas, te voilà le caleçon en nage ! Oh la-la, je vais crever dans ces pompes ridicules, le sang circule plus du tout là !

Lui

— Parbleu ! Elle a retiré du blé cet après-midi. Elle doit bien avoir un ou deux billets de cinquante dans son sac la frangine. Voilà qui arrangerait bien mes affaires. Après le taff, je file au Panther's Club avec la fraîche de Mademoiselle et en cinq tours de table je les rembourse, moi, les cerbères de Pépino. Je vais lui emprunter un billet jusqu'à demain. Hum, encore une dette. Elle a peut être un cousin ou deux la bourgeoise. Moi j'ai déjà les sbires de Pépino sur le dos, ça va comme ça ! En plus, pourquoi elle accepterait ? Depuis six semaines qu'elle travaille ici, en dehors des questions boulot, j'ai pas dû lui adresser la parole trois fois.

Elle

— Avec tous les efforts que je fais ! Chaque semaine j’achète une robe neuve de plus en plus moulante. Je me paye même des bas en soie maintenant. Ça coûte une fortune les bas en soie. Et les violettes dans le chignon ça a pas l'air de l'enivrer, le Monsieur Edwards ? Mes économies y passent ! Aujourd'hui j'ai prélevé soixante dollars sur ma cagnotte mariage. Maman va encore tirer une sale gueule ! Mais comment résister aux porte-jarretelles en dentelles et à la camisole anthracite en vitrine chez "À Paris". Une fille moderne doit se préparer à toutes les éventualités. On ne sait jamais quand et devant qui elle se déshabillera ! J'ai vingt deux ans moi, le catch à l’arrière des bagnoles ça suffit. Faut que je me case. Je me fais cinquante neuf dollars par semaine. Lui doit bien toucher quatre vingt dix, voir quatre vingt quinze par semaine. En plus y'a de l'avancement pour Monsieur Edwards dans cette banque de rapiats. Toutes le filles peuvent voir que les associés le chouchoutent. Et si l'une de ces pécores me le chopait. AH NON ! Cent cinquante dollars par semaine ! Avec un budget pareil on pourrait vivre dans le quartier des intellectuels branchés. Ils rénovent tout là bas. Ça a de l'allure. On se trouverait un deux pièces coquet aux murs mimosa avec vue sur la baie, baigné de la lumière du Sud. Sur la sonnette on lirai Mr. & Mme. A. Edwards. Ça a quek chose non ? On attendrait quelques années pour faire des enfants. J'en veux deux, non trois... non deux, enfin on verra bien. Y'me plaît moi ce projet d'avenir. Maman qui me reproche de ne jamais prendre les devants, pour le coup, là je m’émancipe. Y va bien finir par me remarquer ce foutu Monsieur Edwards, et ce jour là, CRACK je sors le harpon en dentelle noire. 

Lui

— Un plan. Il me faut un plan... Pourquoi pas une ballade au clair de lune ? Je prétexte le besoin de fraîcheur. Je l’emmène au pied du pont faire la promenade du bord de l'eau, le long du quartier des branleurs prétentieux. La nuit il n’y a jamais personne. Je prends la clé à molette dans le coffre. Quand on croise l'ombre noire des piliers, je fais mine de vouloir l'embrasser et d'un seul coup de fonte, j'te lui éclate le caisson à la bergère. PLOUF ! À la baille. On croira à une suicidée fracassée. Bon sang ça peut marcher ! Il tombe vraiment a pic ce classement de dernière minute. À cette heure ci personne ne nous verra quitter le bureau de compagnie. Prends garde Panther's Club, me voilà !

Elle

— Je rêve ou quoi ? Il a levé les yeux, il a regardé dans ma direction... Là ! Encore un coup d’œil par dessous. Oh... mais il a une idée derrière sa petite tête Monsieur Edwards ! Regardes maman, je vais te le chauffer, histoire de l'aider à se décider. Je ferme le tiroir bruyamment. Voilà, j'ai son attention. Un pas en avant, je m’accroupis les jambes serrées de biais. Je prends le bordereau. Je remonte lentement bien droite, poitrine offerte. OUPS ! Bêtement je perds l’équilibre. Je me raccroche au bureau en m’affalant à moitié dessus. Oh pardon ! Toutes mes excuses ! Qu'elle empotée ! Je murmure haletante à vingt centimètres de son visage. Il ne m'a pas quitté des yeux. Éparpillée face à lui, je lui donne pleine vue sur mon nombril en passant par les pare-chocs pure chrome. Maintenant je passe à l'estocade finale. Je me redresse, je pivote sur moi-même, je me campe sur mes jambes en tendant le tissu au maximum. Hop, pour récupérer le dossier que je viens d’échapper, je me casse net au niveau des hanches exhibant, sous le nez de Monsieur Edwards, un popotin tendu perché sur des guibolles arc-boutées. Et là, PATATRA ! Avec un petit miaulement de fausse douleur, je m’étale de tout mon long, échevelée.

Lui – il se lève précipitamment et s'accroupit auprès de Daisy

« Ça va Mademoiselle ? Vous avez mal ? Attendez je vais vous aider. Appuyez-vous sur moi. Doucement. Venez vous asseoir. Vous n'avez rien de casser au moins ? Mettez vous là, je vais vous chercher un peu d'eau. »

il sort du bureau

Elle

— Emballer, le p'tit bonhomme. Alors maman ? Fière de ta fille ? J'ai bien appris la leçon. Tu vas voir, j'ai plus qu'à jouer un peu des cils et il va suggérer une sortie en amoureux. Zut ! J'ai filé mon bas tout neuf, moi. Quel gâchis !

il revient avec un verre d'eau, elle geint doucement

Lui

« Mademoiselle Daisy, vous voilà toute pâlotte. Vous avez eu un choc. Aller... assez travailler, on va s’arrêter pour aujourd'hui. Quelle fournaise ici ! On a besoin d'air ! J'ai stationné mon auto juste en bas. Voulez vous que nous allions faire quelques pas au bord de l'eau ? Que diriez-vous de la jolie promenade le long de la baie ? Cela nous rafraîchirait. Partante ? Je ramasse tout ça et on y va. Vous allez voir, cela va vous requinquer, en plus il fait une lune magnifique ce soir. Quant dites vous ? »

Elle – qui bat intensément des cils

« Oh oui Monsieur Edwards, je crois que vous avez raison, je vais adorer ça. »

Elle  – en aparté

BINGO !

Lui – en aparté

BINGO !

 



[1]Au poker, première mise requise pour chaque joueur avant de commencer une partie.

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8 mars 2024

Auroville 2024

 

Quand le Kasala fait du bien

 

MARIE-CLAIRE BARSOTTI

  Posée en transit entre deux mondes je cherche mon équilibre. Monde blanc, doré et agitation fébrile 
En grand écart. 
Ple
Plénitude de l’instant présent, désir intense d’y rester… j'oscille happée par la puissance de la matière. L’energie circule, frétille, bouillonnante de vie. Joyeuse.
Les mains comme des haubans tiennent le mât de l’existence en place. Réajustement du Vivant, danse cosmique, comme une respiration. 
Garder le cap et laisser être .
 
 
TAJ
 
Écrire une louange de soi-même.
Je suis Taj, la couronne en arabe, le magnifique en perse. Même si ces comparaisons sont largement en deçà de la vérité, j’ai appris – au regard de ma profonde humilité – à vivre avec. Je suis lucide et perspicace, franchement j’assure !

Je suis bon comme le pain, franc comme la lame, aussi courageux que le cadet d’une portée. Doux comme un derrière de bébé, ceux qui me connaissent me disent gentil et patient quand en vérité je dissimule ma timidité en armant ma fragilité d’un humour caustique. Franchement, j’assure !

Je vis grand, comme bon me semble, sans apologie. Après tout dans ce monde de Huns et de zéros, la mesure du succès n’est-elle pas sa capacité à rester libre ? Assurément je vous le dis, j’assure !

Remontant de la nuit noire du servage, ma lignée est composée de gens loyaux, besogneux et un peu con aussi. Mes ancêtres les culs-terreux m’ont, depuis la glaise collée à leurs doigts, façonnés petit et rond néanmoins parfaitement proportionné.
« Petit, mais malin » dit mon épouse, franchement j’assure !

Mes parents qui souhaitaient si ardemment que je suive sur leurs traces étaient tous les deux profs – de math tous les deux – et moi, je suis là à gribouiller, aujourd’hui, des louanges demi-sel dans un cahier. Franchement j’assure carrément !!

 

 Écrire en cinq phrases la louange de la personne assise à côté de vous:

Marjorie, jolie, secrète accueillante,
Comme la harpe souple tu te veux vibrante,
Facile, simple et intime notre conversation,
Au-dessus de nos têtes un vol d’avion,
Dans mon âme, une chebakia au miel.

26 mai 2021

Atelier autobiographie

        Cette femme



Vieux quartier dans une maison isolée 

cette femme sera celle assise 

sous le figuier au tronc noueux

 

Tâches de lumières offertes

à ses mains posées sur les genoux

les feuilles dorées de l’arbre 

dansent leurs mélopées

 

Toute proche dame tortue

randonneuse silencieuse 

par les méandres de son parcours

invite à la rêverie

 

Sous la peau fébriles les nervures bleues

Bruissement des cellules sous le vent qui s’éveille

Point de mire vers le lointain, l’espace s’agrandit

 

Moucharabieh sur la terrasse

Le ciel découpe l’horizon

en architecture ocre azur





Vrombrissement d’une moto qui s’impatiente

Le temps se distant

Voix d’enfants à la sortie d’école 

ou rires d’hirondelles printanières ?

 

Cette femme sera présent immobile

                                           Wahiba Bayoudia

 

18 avril 2021

Voile et écriture

Ecritures au fil des vagues par DONATIENNE

 

1)

Mer. Immensité ressourcement

Joie d une liberté de mouvement retrouvé, sensation de bercement

Infini et tout

Beauté appartenance

camaïeu de bleue et de lumière.

Départ

 

2) Nous habitions à la mitre, très jeune avec mes frères et sœurs nous descendions seuls à la plage militaire. J adore cette crique, ce rocher à forme étrange qui me paraissait immense et qui a pris des dimensions plus raisonnables avec le temps. A l’époque il y avait un radeau amarré, nous faisions la course pour y arriver le premier à la nage, les plus âgés surveillaient les plus jeunes. Nous adorions trouver des merveilles au fond à indiquer, à montrer aux autres. Souvent nous allions plus loin pour faire les concours de plongeons.

 

3) Celui qui se réveille au son des mouettes qui accompagnent les pêcheurs au matin, celui qui traverse l univers pour se retrouver lui enfin dans la gratitude, celui qui affronte la tempête comme une vengeance de son enfance, celui qui veille en haut du phare au cœur de la tempête, celui qui aperçoit à l horizon le fanal de son port de naissance, celle qui se lance dans l aventure du grand large avec son seul courage et sa joie de vivre, celle qui prend la mer pour pêcher au petit matin frileux, celui qui scrute l’horizon à la recherche de son amie, celui qui rencontre une pieuvre et devient son ami,

Celui qui crée des ponts entre des mondes que l océan séparé.

 

4) Celui qui traverse l univers pour se retrouver lui enfin dans la gratitude

Une grande crinière blonde mal peignée sous un un bonnet en laine, des yeux bleus océans adoucissant la sévérité du regard farouche ce celui qui veut aller plus loin,

Dans son for intérieur la recherche d un ailleurs d un monde moins cruel et stupide qui se réveille et se lève pour dire non sans colère sans ressentiment juste une volonté exprimée.

Il sentait bien que quelque chose avait changé, sa colère avait changé de couleur, de noire au départ. Elle avait viré au rouge sang avec des envies de vengeance et là devant l immensité il la sentait prendre des nuances violettes et dorées , il avait du mal à se rappeler ce qui l avait tant blessé. En fait n’était ce pas lui même qui s était fait cette blessure au fer rouge tout seul. Ne l’avait il pas entretenue jusqu’à cet îlot de verdure perdu dans l océan où la vie bruissait; les insectes et les oiseaux chantaient des mélodies harmonieuses, l’ air empli de vibrations. Tout à coup il sentait la douceur de l’air emplir ses poumons et dissoudre peu à peu son magma intérieur . Et tout à coup une vague de gratitude pour ce coup de tête qui lui avait fait prendre la mer mais aussi la mesure que sans ces événements, il n aurait probablement jamais su de quoi il était capable dans la tempête comme dans la petole la plus désespérante et là il touchait au but. Enfin il voyait le cadeau de la vie.

 

 

5)Au bord de la Méditerranée, au printemps se rassemblent les petites ecuillettes , elles sont si petites que personne ne les voit, mais elles viennent écouter le bruissement du monde pour en rendre compte au cœur profondeurs.

 

 6)

Être libre toujours tu chériras la mer

La mer est un maître

Son enseignement est à différents niveaux

Toujours elle t’apprend sur toi et sur la vie

Regarde là chéries là et tu comprendras davantage sur la vie et sur toi

Les erreurs parfois sont amères les joies immenses et douces

La mer avec sa vastitude t ouvre des horizons insoupçonnés

Au delà et en dedans de toi.

 

" Femme LIBRE, tu chérira la MER ou la MERE.....
Etre 1 femme libre, en mer avec ma mère, sur les flots argentés de la VIE. Nous avons navigué ensemble pendant plusieurs années, main dans la main, complices et heureuses de se retrouver le vendredi soir après ma méditation. Tout le week-end rien que pour nous ! Tu m'as montré le chemin d'Amour. Et je crois que c'est ça, ma Liberté, le chemin d'Amour en toutes circonstances. Gratitude !! "
Françoise Prax de l'Atlantide. 

 

28 septembre 2021

Atelier d'écriture sur la puissance d'être née Femme

Merci à Eva Lebrun d'avoir participé à cet atelier à la Cité Audacieuse à Paris

 

Liste de femmes qui m’ont inspirée dans ma vie

Ma mère, Isabelle, pour son amour et son optimisme infaillible.

Ma sœur, Stéphanie, pour sa persévérance et sa réussite (principalement professionnelle).

Typhaine D pour son esprit. Son cerveau fonctionne d’une façon absolument magnifique et sa soif de savoir et de compassion me touche toujours. Son intelligence m’émeut.

Simone Veil pour son héritage. Ma vie ne serait pas la même sans elle. Le monde ne serait pas le même sans elle. Elle a laissé sa trace et on ne lui doit que des mercis.

Coline pour son intelligence également mais surtout pour son courage contre la maladie qui aurait pu l’emporter à de maintes reprises mais qu’elle a toujours su combattre.

Michelle Bachelet, ex-présidente du Chili, pour avoir réussi à gouverner un pays très macho.

Anne-Cécile, présidente de la Fondation des Femmes, pour son espoir qu’elle semble ne pas perdre malgré tout ce qu’elle sait sur ce monde.

Wiana Buisson, une professeure que j’ai eue qui m’a fait comprendre qu’on pouvait faire sa carrière dans le milieu associatif et qui m’a aidé à débloquer ma vocation.

Cléopâtre pour sa stratégie même si elle a été réécrite par des historiens comme un objet sexuel comme si elle n’avait pas été une merveilleuse leadeuse.

Daenerys Targaryen pour son ambition

Wonder Woman pour sa foi en l’humanité

Nairobi pour sa folie

 

La femme (comme si elle était unique), a beaucoup de qualités qui lui sont presque propres. Certes, certains hommes peuvent les cultiver également mais à mon sens c’est beaucoup plus dur de les acquérir lorsqu’on a été élevé toute sa vie en tant qu’homme.

Je reconnais en la femme une humanité qu’on ne voit nulle part ailleurs. Par humanité j’entends l’inverse d’animosité. L’humanité, dans sa forme la plus pure, est faite de lumière. Lumière composée à part égale de bienveillance et de savoirs. Après tout l’humain se positionne au-dessus de tout autre espèce grâce à sa capacité de réflexion. Il est le seul à avoir l’intelligence de cuisiner par exemple. Il valorise le savoir et sa transmission puisqu’il a créé des écoles uniquement pour ça. La femme a une soif de savoir insatiable. Jamais satisfaite, elle ne s’arrête jamais de vouloir en découvrir plus. Toujours plus.

L’autre part indissociable de l’humanité est sa bienveillance. Là où les animaux s’entretuent et se déchirent, l’humain a la capacité de communiquer et de régler les problèmes de manière non violente. Ici aussi, le fait d’être élevée comme femme encourage la culture de cette gentillesse qui, loin d’être innée, doit s’apprendre. Là où les hommes n’apprennent pas à mettre des mots sur leurs sentiments et ont tendance à régler leurs problèmes en se mettant dessus (si vous me permettez l’expression), les femmes cherchent à arranger la situation. Peut-être est-ce aussi lié à un amour plus présent chez un sexe que l’autre. La femme est élevée dans le but de rendre les autres heureux et elle cultive donc espoir pour tout ce qui n’est pas elle. L’optimisme la caractérise et on peut la reconnaître dans tous les mouvements qui ont fait bouger le monde. Elle a foi en les autres et le futur. Elle ne baisse pas les bras et persévère parce que c’est ce qu’on lui a appris. Elle voit le bien même s’il est parfois difficile à trouver. Ce qui demande un courage presque surhumain pour moi. C’est difficile de voir la pénombre continuelle et de rester persuadée que si on avance encore un peu, il y aura la lumière au bout du tunnel. Les femmes portent le poids de l’espoir du monde sur leurs épaules.

Enfin, j’aimerais saluer les femmes pour leur ambition. Absolument tout dans le monde leur apprend à baisser les bras et à se contenter de leur statut d’objet reproducteur mais la plupart d’entre elles parviennent tout de même à être et à faire tellement plus. Les hommes et le patriarcat essaient de nous faire internaliser ces règles depuis la nuit des temps et pourtant on continue à trouver des leadeuses, des êtres d’exception partout où on pose les yeux. Quelle force. Quelle folie. Quel palmarès de victoires à notre actif collectif. Quel honneur de faire partie du sexe indomptable.

 

 

 

Être femme, aussi dur que ça puisse paraître,

Aussi dangereux que ça puisse sembler,

Ça vaut la peine.

Je te promets.

Nulle part,

Non nulle part,

Vous ne trouverez plus lumineux qu’elle,

Au travers de l’adversité,

Elle sait trouver les mots,

Être l’épaule sur laquelle pleurer,

Sentir tous les non-dits.

Sans même avoir à parler.

Être femme, c’est aimer.

A quoi bon être là,

Si ce n’est pour ça.

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14 décembre 2015

Recettes de cuisine sous un autre angle

Claude De Warren

 

Le faisan au cognac

 

Tout son groupe parlementaire était rassemblé. Ils avaient leur tête de raisins secs, celle des mauvais jours. Il leur servit un cognac et les laissa macérer à loisir. La farce avait assez duré. Il avait bien préparé son discours et leur exposa son programme. Il s’agissait de ne plus se faire pigeonner, encore moins d’être les dindons de la farce. Il fallait chauffer l’hémicycle comme personne ne l’avait encore fait. On leur embobinerait la tête et le cœur, on les barderait de propos bien ficelés, pas trop salés, mais pimentés à loisir. Par d’habiles propos, on les laisserait mijoter. Et quand ils seraient cuits à point, il leur servirait l’essence même de son programme : « la recette du faisan au cognac ».

 

 

Vivre sa nostalgie avec un ingrédient

 

La confiture de mûres.

 

C’était toujours à la fin des grandes vacances, une épopée et un record à battre : combien ferait-on de pots de confiture de mûres cette année. Je me piquais au jeu, mais  mes frères, eux, avaient horreur de se faire écorcher par les ronces.

Moi, ce qui me réjouissait par avance, c’était la grande marmite en cuivre qu’on astiquait pour l’occasion, l’odeur des fruits éclatés que l’on pressait dans un grand torchon, et l’écume, surtout l’écume, qu’on étalait encore brûlante sur les tartines. Et pour finir, les pots alignés que l’on contemplait religieusement.

Mais la paraffine que l’on faisait fondre pour en recouvrir les pots était aussi, hélas, le signal de la fin des vacances. J’en aurais presque pleuré. 

4 avril 2020

Rions et abusons du rire pendant le confinement

Spécial confinement

Rencontres hebdomadaires en ligne

 

ATELIER ECRITURE DU 3 Avril                   Thème » humour Raymond Devos « 

 

DOM.H

Exercice 1

Parler d’un objet d’une façon absurde

 

Une poubelle , c’est un objet indispensable et pourtant qui sert à jeter des choses non indispensables .

Si vous n’avez pas de poubelle vous ne pouvez pas vous débarrasser des objets que vous ne voulez plus, et c’est indispensable de jeter les choses dispensables.

Comment un objet indispensable peut-il engloutir les choses que l’on pensait indispensables la veille en les transformant en rien d’indispensable ?

Tout simplement parce que la poubelle est indispensable !

 

 

Exercice 2

 

Intégrer dans un texte des expressions avec le mot TÊTE

 

Mon fils me fait la tête depuis que je lui ai annoncé que ce soir nous j’avais préparé pour le dîner une tête de veau .

Il avait en tête depuis hier d’aller au restaurant en tête à tête avec moi, et cela me met la tête à l’envers .D’habitude il a la tête sur les épaules, et se creuse pas la tête.

Mais aujourd’hui, c’est une prise de tête, il marche dans l’appartement sans queue ni tête, il a une tête a claque et n’en fait qu’à sa tête.

Alors je le traite de tête de mule , et lui me traite de tête de veau !

Il me tient tête et je me tape la tête contre les murs

Je n’ai plus en tête que mon mal de tête !

Adieu ma tête de veau !

Vive le tēte à tête !

 

 

Exercice 2

Commencer par « actuellement », « sans dessus sans dessous »

 

Actuellement, tout est sans dessus dessous, on confine dans tous les sens ,

Dessous dessus, dedans dessus,dessous dedans ...

On fait les cons...les con.. finis ...les confinés

Finis les moments dessous les parasols , dessus les transats

,on finit par vivre en dessous de tout .

 

Tout est au dessous de tout ,

Tout est au dessus de nous.

Nous sommes sans dessus dessous

Souls de confinement,

Sans le sou

Sur le derrière,

Sous l’eau !

Comme des con..finés ....

7 octobre 2014

Les métiers imaginaires dont rêvent les écrivains d'Auroville

ARLET

LA FEE DANS LE TABLEAU 
Un grand tableau
Aux dimensions demesurées 
Hors norme et plutot dans les trop 
Etait majestueusement posé 
Sur un support bien carré 
Aux proportions déterminées .....
Au dedans 
Ds son infiniment grand 
Mêlant le bleu du ciel 
Dans le brun couleur miel,,,
Une tranparence laissait paraitre
Un filet de lumiere fin a son fete ....
Perdue dans cette image 
Je me laissais aller a l'ouvrage 
De sentir les couleurs 
au plus profond de mon labeur..
Le pinceau a la main 
Je me lançais au petit matin
Pour une nouvelle touche de cepia
Qui soudain m'entraina
Dans une douce meditation 
Avec ....passion 
A mon reveil....
De cette brève errance
J'allais alors avec merveille 
Mêler le jaune à outrance ....
Quand soudain apparut 
Là ...Devant moi 
Minuscule comme un pois 
Une fée entièrement nue 
Aux douceurs angevines 
Et à l'allure  caline ..
Une baguette ,,,de la main 
Elle agitait 
D' un doigt malin 
Elle tournoyait ........
Ses petits seins fragiles 
Se gonflaient soudain graciles 
Et devenaient presque agiles 
De rondeur 
D'apesanteur ...
Elle avait un sourire d'enfant
Et clignait de son oeil savant 
En me regardant ..
Surprise et réjouie a la fois 
De voir une fée devant moi 
Se transformer en campanule 
faire des arabesques et des bulles
Avec sa bouche en forme de fleur 
Elle lança ,,,dans ma torpeur ....!!
Je suis ici ...n'ait aucune peur ...!!
Je vais finir ta toile 
En y mettant un léger voile 
dans une envolée lyrique
Sur un fond de ton brique ...
Alors , je lui passais mon pinceau 
Et en un tour de main 
Le décor devint plus beau 
Qu'un champ de jasmin ..
On s'est quitté 
Sur un baiser 
Enchantée;
De cette douce fée..
GILDO
Le ciseleur de bananes !

Le ciseleur de banane n'est pas un des plus vieux métier du monde comme la fille de joie dans sa maison close ou sur le trottoir. Non, il est même relativement récent puisqu'il est né suite à la publication, il y a quelques années seulement, des directives européennes relatives à la forme que doivent impérativement avoir les fruits et légumes commercialisés sur le marché européen.  La courbure standard de ces deux produits définie avec la précision de l'horloger suisse concerne non seulement les bananes mais aussi les concombres, les aubergines et autres courgettes.

 

Ces ciseleurs de fruits et légumes arpentent donc quotidiennement au milieu de la nuit et par légions  les allées du méga-marché frais de Rungis dans la banlieue parisienne. Efficacité oblige, chacun normalement est spécialisé dans soit un fruit soit un légume, rarement un fruit et un légume ou deux fruits ou deux légumes…

 

Ce métier n'est pas rémunéré. Chaque ciseleur doit récupérer les déchets de son ciselage pour en faire d'excellentes compotes, confitures ou autres fruits confis et des plats cuisinés comme les soupes juliennes ou encore des pizzas végétariennes sans oublier les jus exquis de fruits ou de légumes.

 

Les ciseleurs les plus doués et entreprenants arrivent à faire fortune, des fortunes parfois colossales qu'ils se gardent bien de réinvestir dans le commerce des fruits et légumes. Ils préfèrent investir en bourse et acheter des actions Total, Facebook, Microsoft et que sais-je encore. Ils s'entourent de gestionnaires de fortunes compétents , le plus doué et très prisé n'étant autre que DSK Investment Bank.

 

Les héritiers de ces ciseleurs ne pensent pas à faire le métier de leur père préférant des activités plus prestigieuses et encore mieux rémunérées comme les nez créateurs de parfums, stylistes de mode et chirurgiens re-modeleurs de seins ou recouvreurs de virginité.

 

 

 

ROBERT
                                                                                 
 LE PLONGEUR DE TOISONS

Il existe de vieilles légendes qui remontent si loin dans les temps anciens qu’il fallut creuser plus de mille mètres dans le sol de ce que l’on appelle aujourd’hui la Nouvelle Terre des Confins du Grizzly et encore cette excavation n’en était que le fastidieux préambule puisque encore fallait-il y reconnaitre et classer laborieusement les écrits et pièces éparses qui aujourd’hui donnent vie à la légende du « Plongeur de Toisons ».

En ces temps plus qu’anciens, les populations d’alors vivaient sous un système très élaboré de castes comme aujourd’hui on en voit encore dans certaines contrées non encore complètement acquises aux bienfaits de la structure consommaticopolitique en vue de l’éparpillement des consciences enclavées, communément appelé SCECE.

Revenons à nos moutons puisqu’ il s’agit ici bien sûr de toisons. De cette ancienne société des Confins du Grizzly il faut retenir une réalité ixexpugnable, c’est à dire le climat, cela se passait dans l’Eocène, autre formulation pour dire Ere Glaciaire et le rôle du Plongeur de Toisons n’en était que plus important. Vu le climat qui y régnait, chacun des citoyens devait se revêtir une toison chaque matin qu’il honorait, il ou elle devait donc s’affubler du haut vers le bas et de droite à gauche, sans oublier du devant vers l’arrière, d’une épaisse toison de mouton préhistorique communément appelé Excoteletterus.

Imaginez une population qui déambule au petit matin dans les rues de la bourgade tous vêtus de toisons semblables, blanches et épaisses, cela ressemble à s’y méprendre à un troupeau , ne croyez-vous pas ?

Sous l’impulsion d’un souverain dont la légende court encore sous terre, Ovin le dixième, fut créée la caste des Plongeurs de Toisons, ainsi selon le rôle de chacun il était assigné une couleur et certaines vertus correspondantes à la toison revêtue et les Plongeurs étaient devenus au fil du temps les maitres invétérés des vertus toisoniques. De savants mélanges d’herbes, de poudres enchantées et de minéraux rares étaient utilisés lors des trempages qui parfois pouvaient durer quelques années.

Ainsi le rouge était réservé aux gardiens de l’ordre appelés aussi les Gallus Coercitus. Outre le blindage de leurs toisons, la couleur les protégeait de certaines conséquences fâcheuses  lors de la répression de certaines manifestations des sous-classes, telles le déversement de liquides organiques qui ne venaient en aucun moment ternir la digne robe des matamores publics.

Et ainsi de suite, étaient consacrées ensemble couleurs et occupations par la Guilde des Plongeurs de Toisons.

( Prochain épisode :  La Schroumpfette Polaire )
TAJ

Un métier imaginaire
Enfant, j’ai connu un homme étrange, dans une ville pas très loin d’ici, au coeur
d’une cité dortoir, de l’une de ces banlieue retirées au visage gris que l’on trouve à la
périphérie de nos grande villes et qui sentent bon le mérite, le prolétariat et la Harissa.
Son accoutrement qui était sans équivoque celui du genre masculin me fais dire “ un
homme ”. Mais en seconde observation on remarquait la figure élancée, la finesse des
articulations, le port de tête, les pommettes hautes qui encadraient des yeux doux et
surtout les mains blanches longues et fines qui auraient tout aussi bien pu faire penser
qu’on avait a faire à une femme. À moins qu’il ne ce soit s’agit de l’un de ces êtres
rares et singuliers à qui la nature à fait don des deux sexes.
Sous une redingote noire élimée, qui jadis avait dû connaître les feux de la rampe, se
trouvait un vieux tricot de coton gris dont la capuche était en permanence relevée sur
la tête et qui déclarait U.C.L.A. en grosses lettres au pourtour blanc et angulaire. Des
jeans fendus aux genoux bien avant que ce ne soit chic tirbouchonnaient aux chevilles.
Pour finir des chaussures de ville noires a bout carré, un petit peu trop grandes, et qui
avait probablement, dans leur vie avant les Emmaüs, arpenter la moquettes des bureaux
du centre ville. Voici les oripeaux dont il se revêtait et c’est pourquoi je continuerai a
l’appeler “ il ”.
Il, donc, poussait devant lui un chariot de super-marché rouillé avec une roue folle et
dans lequel se trouvait un bric a brac incohérent. Je pouvais y apercevoir une collection
d’objets hétéroclites. Un tube au néon, une râpe à fromage, du câble électrique, un
rouleau de papier à tapisser, une louche, une paire de tenailles, un tutu, une chaîne
d’arpenteur, des patins à roulettes, une vieille guitare écaillée à laquelle manquait deux
cordes, une balance portant une mention rouge en lettres cursives : Charcuterie Bonnot,
une batterie de voiture, des échasses, des béquilles, quelques magazines coquins, une
plaque bleu roi sur laquelle on pouvait lire : Rue du lac – Vème arrondissement. Voilà
certain des objets que j’arrivais a distinguer dans cet amas disparate et dont mon regard
n’a jamais pu sonder les profondeurs.
J’avais douze ans, nous nous étions lié d’amitié et j’avais pris pour habitude de
l’escorter dans ses pérégrinations quotidiennes aussitôt que ce sacré Charlemagne
m’en accordait le loisir. Tous les jours, il couvrait des kilomètres d’une marche lente
et calme sans se préoccuper du chaos environnant, et sans non plus se soucier que je
le suivisse trois pas en retrait. Il arrivait qu’il s’arrêta pour un motif incompréhensible.
Soudainement il restait là suspendu dans sa marche, les yeux fixés sur quelqu’un ou
quelque chose qui accaparait tout son être sans que je ne sois jamais arrivé a distinguer
ce que ce fut. Le plus souvent les causes de ses détours ou de ses haltes étaient limpides.
Je l’ai vu aider de vieilles dames à traverser la rue. Je l’ai entendu raconter l’histoire

de la culotte à deux trous à des pompiers exténués, noir de suie. Il était généreux de

petits gestes ; refaire un lacet, sourire a un gendarme, faire une marelle en portant la

petite africaine paraplégique de la tour C dans les bras, ou encore redresser in extremis
la main d’un enfant distrait quand la boule de glace allait s’échapper du cornet. Une
fois même je l’ai vu recoudre un bouton rouge sur le manteau bleu d’un petit garçon.
Il arrivait qu’il s’arrêta plus longtemps pour tenir un moment la main d’un vieillard au
regard vide qui débordaient de larmes. Sa journée n’eut pas été complète sans une visite
à la petite mémé assise sur une chaise pliante dans un recoin du centre commercial.
Chaque jour il venait lisser ses cheveux blancs, lui murmurer des douceurs à l’oreille
et chaque jour sans faillir il l’embrassait tendrement sur le front avant de s’absenter.
Un jour nous avons rencontré une fillette d’une huitaine d’années qui sanglotait à
chaude larmes, assise sur les marche du perron de la tour où elle habitait avec ses grandparents.
Tous dans la cité connaissait l’histoire tragique de cette enfant. Quinze jours
plus tôt elle avait été faite orpheline dû au mauvais fonctionnement cruel d’un passage
à niveau automatique. La Renault 4 de papa, maman, n’avait pas fait le poids face à
la masse d’un train lancé à toute vitesse. La pauvrette n’en pouvait plus de sangloter,
elle venait de perdre son ballon jaune, un cadeau que ses parent lui avaient fait pour la
consoler de l’abandonner pour un jour à la garde de ses grand-parents, ce jour maudit
qui n’en finirait jamais. Assis à coté d’elle sur les marches, une larme a roulée sur la
joue de mon compagnon lorsqu’elle lui racontait son chagrin. Il y eu un flottement
incertain et pour la première et dernière fois j’ai vu mon ami affligé du visage de la
désolation. Finalement une lueur se format au fond de ses yeux qui se transforma en
étincelle. Il prit la fillette par la main et l’emmena sur le toit de l’immeuble. Là, allongés
à plat dos sur le gravier du toit, ils devisèrent sans se presser de toutes les formes qu’ils
apercevaient dans les nuages au dessus d’eux. Enfin ils virent passer les parents de
l’enfant qui jouaient à se lancer le ballon. Je crois même qu’ils échangèrent des signes
de la main. Finalement ils redescendirent avec des hurlements de joie. Ils franchirent
la porte du rez-de-chaussée, l’angelot juché sur les épaules de mon camarade riant à
gorge déployée, tandis qu’il sautillait en esquissant des pas de samba.
Une fois nous discutions des choses importante de la vie assis sur un muret au abords
d’un terrain vague. Nous échangions sur la couleur du vol des oiseaux, le souffle
des feuilles qui poussent, le sommeil de la terre glaise, le poids d’un sourire. Nous
avions d’autres considérations tout aussi essentielles : la musculature du vers à soie, la
longévité des câbles d’ascenseur, le système de refroidissement des volcans ou encore
le quotient intellectuel du Président de la République. Nous parlions a l’infini et nous
nous amusions beaucoup. Pourtant un jour je gaffais, je lui posait une question sérieuse :
« Que fais-tu pour survivre ? » lui demandais-je.
« Comme tu y vas mon jeune ami ! Me rétorqua-t-il aussitôt. À t’entendre on pourrait
croire que la vie est une épreuve qu’il nous faut surmonter, dont il faudrait survivre.

Sache, frère, que la vie se passe parfaitement bien de moi ou de toi. La Vie se charge

de vivre, moi je n’ai rien d’autre à faire que d’être. »

Cette réponse sibylline ne satisfaisait pas ma curiosité, j’insistais :
    « Oui, mais je voulais dire, quel est ton travail ? »
Un sourire frondeur illumina son visage et il me répondit en me baignant d’un regard
chaud et pénétrant :
     « Je suis l’assommeur de soucis, le bousilleur de chagrin, le démolisseur de tristesse,
le flingeur de cafard, l’étrangleur de douleur, le refroidisseur de larmes, le pourfendeur
de contrariété, le zigouilleur de mélancolie »
Il se mit a fredonner :      Donnez moi vos chagrins,
                                     Je vous rends des lapins.
                                     Lancez moi vos soucis,
                                     Je les tourne en ouistitis.
                                     Offrez moi vos malheur,
                                     J’en ferais de la crème au beurre.
Peu de temps après cette conversation il s’évapora à jamais. Il sortit de ma vie comme
il y était entré sans fanfare ni violons. Au cours des années j’ai gardé un bleu au coeur,
sondant le rôle qu’avait pu jouer ma question indiscrète dans la disparition de mon ami.
Aujourd’hui l’adulte que je suis devenu en arrive à se demander si j’ai vraiment
connu cet être exceptionnel ou si mon imagination d’enfant en créa la forme et la
présence pour m’évader de ce quartier triste et opprimant. Cela se peut. Mais ma
mémoire s’embrume et je ne suis plus sûr de rien.
Ce qui reste c’est un exemple, une inspiration, une aspiration et la conviction profonde
qu’un sourire aide mieux qu’un conseil, une caresse soigne mieux qu’une potion.
                       Déroulez vos désespoirs,
                       En voilà des perchoirs.
                       Étalez vos douleurs,
                       Ce sont des crayons de couleurs.
                       Envolées vos peines,
                       On en a fais des baleines.
….

 

29 août 2023

Stage au Mézenc en août

   CLAUDINE LECLERC

 

 Une potion exceptionnelle au MONT MÉZENC  -  AOUT 2023

 

Dans un paysage nu et dépouillé, vivait une vieille femme seule. Elle ne craignait ni la solitude, ni le froid.

 

Sa petite maison de granit au toit de lauzes lui offrait un abri sûr.

 

Face au Mont Mézenc, ses ancêtres l’avait construite de leurs mains noueuses

 

Hortense travaillait dur.

 

Faire le plein de tourbe avant l’hiver, pour ne pas mourir de froid, n’était pas chose facile.

 

Les hivers sont rudes dans ces monts nus et polis comme le dos d’un éléphant.

 

La Burle, vent descendu des Alpes y souffle fort  en décembre, janvier

 

Dans la grande cheminée, le chaudron où l’eau bouillait comme une machine à vapeur, on 

 

approchait du cataclysme, l’eau allait déborder.

 

Hortense, devait préparer une potion (recette héritée de son arrière grand mère) qu’elle vendait au 

 

pèlerinage de Saint Front , pèlerinage connu des célibataires  dans toute l’Auvergne.
 

 

500 g de cristaires

 

1 kg de moules perlières

 

1 kg de plécoptères

 

500 g de crottes de castor

 

50 g d’éphermeroptères

 

Quelques écrevisses à pied blanc pour parfumer

 


Une fois bouillie pendant 15 heures, de petites fioles étaient remplies et étiquetées avec 

 

précaution. 

      

 Les célibataires venus à Saint Front pour l’occasion s’arrachaient le précieux breuvage, 

 

convaincus de son efficacité. 

 

La réputation de la potion se transmettait de génération en génération.

 

 Bien des unions se sont scellées grâce à Hortense.

11 mars 2015

Dans le cadre d'AUROLIRE atelier d'écriture pour voyager autrement

Dans le cadre d'AUROLIRE atelier d'écriture pour voyager autrement

 

 

FRANCIS     21/02/15

                                                                                           Voyage, rencontre par accueil

 

Je pars en stop : auto, mopped, charrette, camion ou tracteur, avec tout véhicule qui veut bien m’aider à avancer dans la direction que le précédent véhicule a prise.

Et je découvre la vie des gens et les endroits traversés par mes échanges avec les chauffeurs et co-passagers.

Je quitte  la maison de mes amis, perdue  dans le Larzac, sur la petite route je fais signe aux véhicules pour monter avec eux. Le troisième est un tracteur qui s’arrête et me demande : « Ou allez-vous ? » «  Juste quelques temps dans votre direction ». Le cultivateur surpris me prends puis questionne « Vous allez voir des amis ? »  « Non, je suis là pour vous rencontrer, pour rencontrer les gens ouverts qui me prennent ». Nous ne nous connaissons pas » « Et bien, je suis écœurè, je suis obligée de me séparer de Roseline » « De qui ? » «  La vache noiraude que moi et ma femme et moi nous aimons le plus ». Mais sa ferme est la.

Je monte avec un camionneur. Le bruit du moteur est couvert par une musique anti-arabe.   « Ce sont tous des menteurs, il faudrait les écraser comme de la vermine .ils nous prennent tout et abusent de tout … » . Je laisse dire sa haine de l’autre cristallisée sur un groupe. En me quittant, il est détendu d’avoir pu l’exprimer.

Je monte ensuite dans la charrette de passage avec des enfants. « Tu ne vas nulle part ? - Goutes mes cerises. » ….

 

TAJ    21 Février 2015

TOURISMOTOURIST [turismoturist] subst. masc.

Personne qui a pour activité de lever le voile, en soulignant le typique et l'insolite, sur des lieux familiers qu'elle connaît intimement au profit de voyageurs en transit et dans le but de satisfaire son goût pour la découverte et son désir d'enrichir son expérience avant tout égocentrique à travers le regard et les sensations d'autrui. (Définition : Le Petit Ignare Illustré)

**************

 La mouche du tourismotourisme m'a piquée un jour alors que j’égrainais la chaîne des souvenirs ensoleillés, tissée sur la trame de mon enfance. Réminiscence bleutée qui me transporte vers Tanger, ville bergère, perchée sur un promontoire, qui escorte deux troupeaux à la fois - les moutons écumeux de l'Atlantique à l'Occident et ceux plus dociles de la Méditerranée à l'Orient.

Lovée au creux d'une anse qui s’arque-boute lentement vers l'Est depuis le vieux port en direction du Cap Malabata, Tanger donne asile, sans distinction et sans a priori, à tous ceux qui abordent aux sables dorés de sa baie. Tous, trouvent dans les bras de Tanger l'hospitalité que l'on réserve d'ordinaire aux amis perdus, enfin retrouvés. Le petit peuple volubile, industrieux et altruiste contribue à porter haute la réputation de pittoresque corsé octroyé à la cité.

Mais, si Tanger séduit par son accueil et la douceur qu'on a d'y vivre, il suffit que la nature s'en mêle, pour découvrir le côté impulsif de son tempérament. D'occasion, le Chergui, le vent des fous comme on l'appelle ici, tourmente la ville d'un aiguillon excessif. Balayant en rafales terribles les artères offertes dans la partie moderne, l'aquilon pernicieux fouille tout aussi outrageusement le dédale des venelles encaissées et des placettes exiguës de la Médina. De longues journées chaotiques succèdent à des nuits de hurlements, qui précédent à des journées d’angoisse. Il n'y a alors, pas le moindre recoin de la ville, qui n'échappe au fouet glacial et meurtrissant du vent salé qui se déchaîne à l'Est. Mais, sans vouloir contrarier les vitres brisées, les volets malmenés, les portes battues ou les toitures brutalisées, et sans porter ombrage à la mer démontée qui cognent furieusement la digue en la chevauchant de ses vagues endiablées, ni au remue-ménage des feuilles et des papiers ; il faut le dire, les dégâts les plus graves se constatent au fond des yeux vitreux, malheureux, rompus des habitants et encore plus tragiquement dans leur têtes frappées d'un souffle ardent de déraison. Je met quiconque au défi de trouver un seul Tangérois qui aurait le cynisme de refuser d'échanger trois jours du vent du Sud, le Sirocco tiède, beige et grinçant, contre un seul jour acéré du Chergui glacial des dingues !

Et pourtant, des châtiments de la nature, celui qui maintient les autochtones en alerte constante, frappe lorsque le ciel se vidange soudainement en trombes d'eau qui déchaînent des inondations ahurissantes. Construite sur un amas de collines, reposant dans un bassinet en hauteur qui à son tour surplombe la ceinture étroite du littoral, Tanger offre la topographie idéale pour qu'un Zeus farceur y déclenche un déluge aux proportions bibliques. Au changement des saisons, lorsque l'orage crève les nuages de sa foudre, l'averse s'abaisse en un rideau compact d'une flotte drue, dure et froide. De par sa nature ruisselante, l'eau cherche à rejoindre, au plus vite, les flots saturniens de la baie. Elle trouve à son dessein, de formidable alliés dans les innombrable pentes au flanc de l'escarpement. Quinze minutes de pluie transforme la Place de France en une cuvette bouillonnante qui se déverse à gauche par la Rue de la Liberté vers la Place du 9 Avril 47 et par le devant au travers de l'ancien cimetière Israélite et de la Rue de Murillo vers l'Avenue d'Espagne en contrebas. La Rue Des Vignes transformée en une furieuse avalanche blanche interdit tout espoir d’ascension. Au marché de la Rue de Fez taillé en terrasses, les légumistes du haut, de l'eau jusqu'aux mollets, s'affaire à surélever leurs cageots. Dans la partie basse du marché les Tangérois ont des souvenirs de débordements tragi-comiques quand les poissonniers immergés jusqu'à la poitrine tentent de récupéré leur pêche arrachée à leur étalage par une inondation invincible. Dans le fond de la Médina, les jours de pluie, il suffit de voir le remous torrentiel pour que tout à coup l'on comprenne le sens des pas de porte surélevés, au jambage montant parfois jusqu'à un mètre de hauteur.

Mais le Tangérois a acquit l’expérience et la sagesse qui prônent à la patience. Si le cataclysme frappe brusquement on sait ici qu'il cessera tout aussi soudainement. Bientôt la ville tournesol, pour se sécher, tournera son visage et son bitume au soleil déjà revenu. Les Dieux, bien au sec dans leurs Champs-élysées, s'amuseront sans doute de la déroute et du fracas qu'ils ont causés. Néanmoins les oiseaux pépillent maintenant et le ruisseau charrie les feuilles et les brindilles barbotées aux arbres. Phébus, narcisse aveuglant, s'admire dans des flaques d'eau claire. Partout dans les rues les voitures étincelantes jouent au hors-bord en redécouvrant qu'elle ont des roues. Revoilà l'ardeur qui fredonne au cœur de la cité. Après l'orage, quelle joie de respirer l'air frais dans la ville rendue à ses habitudes !

Sous l'entassement des maisons, des immeubles et des rues, le rivage peigné de sable blond s’abandonne volontiers aux rouleaux cadencés de la Méditerranée. Les Tangérois, de tout les ages considèrent ʺLa Plageʺ[1], étirée au cœur de la ville, comme leur aire de jeu ancestrale et légitime. Mes parents, en quête de quiétude à l'encontre d'éventuel mélange d'avec les indigènes, s'acquittaient annuellement et pour toute la famille du forfait d'entrée à la plage privée du Yacht Club[2]. N'en déplaise à mon cher papa, j'ai fait sur la plage publique de Tanger, de l'autre coté des barrières barbelées, les rencontres attachantes associées à la mémoire que je retrace pour vous aujourd'hui. À huit ans, en culotte de bain les yeux rougis par le sel et les narines dégoulinantes, il reste bien peu d'obstacles à l'amour qui anime les âmes diaphanes des géants qui nous habitent. L'enfance, par bonheur, exempt des préjugés d'adultes, n’inhibe pas son élan d'amitié par des concepts abscons comme le grain de la peau, le crêpé du cheveux, la musique du langage, l’anguleux des côtelettes, pas plus que par le rapiécé du vêtement ou les différences des quartiers où chacun habite.

La première fois que j'ai vu Redwan, son visage tranquille et frondeur, m'a immédiatement conquit. Une tignasse exubérante, des épaules en portemanteaux, le thorax osseux, des genoux cagneux et la ramure filiforme, il avait une grosse tête posée sur un corps dynamique et efflanqué. Il a suffit qu'il éclaire son visage d'un sourire abondant de dents blanches et qu'il allume le brasier de bienveillance espiègle au fond de ses yeux noirs, pour que je me livre sans retenu au magnétisme fier qu'il émanait. Lorsqu'il m'apparut obstruant mon soleil, les bras croisés sur le torse, les pied plantés dans le sable, il me toisait d'un air moqueur. Moi accroupis dans le ressac je délibérais, penaud, de la méthode qu'il convient d'employer pour se saisir d'une sole enfouie sous le sable mouillé du bord de l'eau. Quand il eut pleinement savourer l'empire, mi-craintif mi-admiratif qu'il avait sur moi, il tirât pour finir de derrière son dos, un coutelas de fortune fabriqué d'un morceau de roseau effilé. D'un geste rapide et précis il planta son arme en arrière de la tête dans l’ouïe du poisson. Vainqueur, brandissant sa prise contre l'azur égal du ciel, il me fit signe de le suivre.

Il m’entraîna loin, très loin, de la clôture protectrice du Yatch Club tout au bout de la plage à l’endroit où l'Avenue des F.A.R.[3] se termine en cul de sac et disparaît sous une bousculade de dunes contiguës à la plage. Là, nous retrouvâmes, entre les bosses sablonneuses,  deux gamins assis autour d'un feu de bois flotté, un carré de fer biscornu fumant par dessus. Redwan sans chichi lâcha la sole sur la plaque ardente où elle commença aussitôt de grésiller. Puis, d'un geste de la main, m'indiquant de m’asseoir et dans un français qui ne s’apprend pas à l'École Berchet[4] il me présenta aux deux gosses qui m'observaient avec curiosité en se demandant pourquoi, celui qu'ils considéraient à l'évidence comme leur chef, s’embarrassait d'un niais de l'autre bout de la plage. Pourtant, Rachid se fendit d'un sourire franc dans un visage ouvert. Chérif, la peau noire brillante à la physionomie ronde du contentement gloussait de dérision. Ce jour là, entre les buttes, tous les quatre nous brûlant les doigts et la langue de la chair cramée d'un poisson, un pacte d'amitié se lia qui aujourd'hui encore parle de nostalgie à mon cœur déraciné. Il m'arrive dans ma vie d'adulte, de rejoindre les copains au cours de mes divagations, je me les raconte en me faisant des romans. J'imagine Chérif richissime, une descendance tapageuse s’épanouissant à ses pieds. Rachid en mécanicien génial, ou en parrain astucieux d'un réseau de contrebandiers, ou les deux. Quand à Redwan, il apparaît dans mes fables tantôt guidant les touristes dans la Médina, tantôt en mollah indulgent enseignant la compassion et les lumières, ou encore en ermite assis en méditation dans une grotte secrète.

Depuis que je les avais rencontrés, aussitôt que mes pieds touchaient le sable, je m’affranchissait à tire-d'aile de la captivité du Yacht Club pour retrouver les copains. J'ai vécu entre Chérif, Rachid et Redwan l'age d’or de mon enfance. J'en garde le souvenir d'une série ininterrompue de journées ensoleillées et d'aventures à la fois coquasses, effrayantes, dangereuses, voir interdites. Dans les vagues de ʺLa Plageʺ j'échappais momentanément au carcan paternel et je posais les premiers repères de mon caractère propre.

L'été succédait à l’été et voilà que notre troupe s'enrichissait d'un nouveau membre. Un jour Redwan arriva traînant derrière lui un petit farfadet rigolo que nous adoptâmes tout de suite comme notre mascotte. Zineb, avait un physique à l'opposée de celui de son frère, elle se pelotonnait sur elle-même autant que Redwan s’élançait vers le ciel. Boulotte, haute comme trois pommes, des yeux en boutons de bottine, des dents aiguisées, elle avait un joli visage encadré par deux grosses tresses roussies au héné. Depuis qu'on l'avait acceptée dans la bande, on la trouvait en permanence, les pieds nus, dans un cafetan trop grand et rapiécé, trottinant à trois pas en arrière des grands. Peu-t-on l'expliquer par la différence des langages ou doit-on le mettre sur le compte de mes yeux bleu, il me semble bien que Zineb faisait montre de plus de timidité et de gaucherie à mon égards qu'envers les deux autres.

Nous, les héritiers impuissants, avons pleurés la métamorphose de Tanger. En conséquence des ordres égoïstes d'un souverain capricieux, nous vîmes Tanger privée de la splendeur de sa baie et de son authenticité. En quelques courtes années, le bord de mer se transfigura en une lèpre de verre et de béton toujours plus agressive qui finit par avaler la plage toute entière. Les dents acérées de ce requin là portaient des noms aussi ridicules que prétentieux. Le Shéhérazade, Le Hilton, Le Solazur, Le Mogador, Le Mirage, L'Ibis, Le Chellah, Le Marco Polo, Le Cesar, Le Rio, Le Marina, Le Palais du Calife, Le Ramada, Le Rembrandt, Le Biarritz... et j'en passe[5]. Par le truchement de ces gigantesques vautours blancs, qui refroidissaient de leurs ombres des pâtés de maisons entiers, Hassan tua dans l’œuf la possibilité d’offrir au monde une expérience sincère et véritable de Tanger. Il faut admettre, à la décharge de la couronne, que le touriste se déplace en troupeau serré et qu'il se laisse invariablement interpeller par tout ce qui lui rappelle là d'où il vient et que majoritairement il ignore les us et coutumes des lieux qu'il visite. Alors, s'il veut un steak frite agrémenté d'un peu de cresson servit sur une assiette à la façon des céramiques de Safi, de Fez ou d'Essaouira, pourquoi ne pas le lui servir ? Surtout si la trésorerie royale en fait le profit[6]... Peut-on dés lors faire un procès aux Tangérois qui, suivant l'exemple éclairé de leur bon roi, se laissèrent tenter par la cupidité. Nous les avons vu corrompre leur nature hospitalière pour la monnayer au flot incessant des agneaux. Chacun ne cherchait-il pas là un biais d'enrichir son quotidien ?

Notre territoire subit donc le bulldozer et la bétonneuse. Désormais le temps passé sur la plage relevait plus du défi Apache que de l’enivrement de vent et de liberté qui jadis gonflait nos poitrines. En effet il nous fallait, maintenant, déjouer la surveillance des chaouchs[7] pour accéder au sable. En vérité cette partie de cache cache nous excitait de bonheur, mais après la construction des grands hôtels nous n'avons jamais retrouvé la désinvolture sauvageonne de nos premiers étés sur la plage. Il fallu donc trouver des occupations à nos après-midis souvent inactives.

Un passe-temps duquel nous tâchions de nous amuser, nous employait a observer l'arrivée des ferrys qui venaient bassement se débarrasser chez nous de leur cargaison de touristes en provenance de Gibraltar, d'Algesiras de Malaga ou de Cadix. Juchés en rang d'oignons sur le mur de la rue du Portugal qui surplombe les jetées du port d'une falaise de douze mètres de hauteur, nous guettions les voitures qui sortant du pont inférieur des vaisseaux devaient nous présenter leur coffre arrière pour se diriger vers le poste de douanes. À l’époque on trouvait accolés au cul des autos un écusson signifiant le pays d'origine des autonautes. Le jeu consistait donc à remplacer la première lettre du mot 'vacance' par la lettre visible sur l'écusson. Nous voilà, nous écriant à chacun notre tour : ̶ Facance pour une voiture venue de France  ̶  Bacance pour la Belgique  ̶  Dacance pour l'Allemagne  ̶  GBacance pour le Royaume Uni  ̶  Iacance pour le l'Italie et ainsi de suite.

On pouvait aussi nous voir traîner sous les arcades de l'Avenue des F.A.R. en face de la gare ferroviaire, a étudier les joueurs de dominos, a renifler les brochettes bronzant sur les kanouns[8] ou encore a rendre de menus services aux fumeurs de Kif[9] et aux mangeurs de Majoun[10] qui somnolaient en extase dans les encoignures sombres. Sur un geste on courais chercher des allumettes, on allais quérir un verre de thé, on bondissait pour rapporter un shkofa[11] aussitôt emmancher sur le Sebsi[12]. Certes nous avons gagné beaucoup d'amis qui toujours se montrèrent généreux envers notre empressement, mais avec le recul je me demande si la fréquentation assidue de ce petit monde étourdit d’indolente insouciance ne nous a pas guidés vers ce qui allait devenir notre occupation favorite.

L’observation nous enseigna que l'estivant appréhende Tanger comme le guichet d'entrée vers un exotisme énigmatique  ̶  Tanger porte du Maroc, Maroc seuil de l'Afrique. En vérité un Maroc bien peu différent de l'Espagne qui vivote quatorze kilomètres au Nord et une Afrique encore plus bronzée que noire. Néanmoins les touristes béas qui déambulent dans les rues, tombent couramment en arrêt, caméra au poing, à la vue de l'échoppe d'Aziz le marchant d’épices et devant le déballage de Moktar le drapier. Ils se pâment là, devant l'inconcevable beauté, s'il faut les croire. L’excursionniste, lui, a la manie de s'approprier de tout ce qu'il voit en crépitant de son Canon qui sème la terreur[13]. Un petit âne exténué, une porte rouge, une enfant qui tend la main, un aveugle le nez dans les parfums du vent, le porteur d'eau bigarré de pompons multicolore, une montagnarde sous un chapeau à large bords qui affiche l'appartenance à son clan par la rayure traditionnelle de son vêtement.

— Quel sans gêne ? Doivent-ils continuer ainsi, ces ignorants impie, a effrayer les brave gens en volant les âmes ? N'ont-ils donc jamais rien vu ?

Mais, malgré leur comportement bruyant et cavalier, il subsiste dans le regard des tout-tristes une ombre d’anxiété apeurée qui suggéra, un jour à Redwan l'idée de leur servir de guide. Habitant lui même dans les hauteurs, une rue adjacente au Fort de la Kasbah, Redwan proposait que nous fassions découvrir aux vacanciers, la partie ancienne de la ville et la Médina proprement dite. Le visiteur aurait alors la chance de faire une exploration éclairée du labyrinthe. En vertu de notre connaissance intime du terrain, le droit de partager l'amour que nous portions à nos rues, nous revenait à juste titre. Il va sans dire que nous comptions bien sur quelques piécettes comme juste récompense de nos efforts. Nous devisâmes donc de l’itinéraire propice pour aller à la rencontrer du figuier de la place des écrivains publique, des badigeons de chaux vive bleutée, des portes sculptées, des bassins où murmure l'eau des fontaines, des galeries ornées de fresques fanées et de la verdure qui escalade les murailles des jardins secrets. Clou du spectacle, à mesure que l'on monte vers le Fort, les panoramas ahurissants qui vous happent ici au coin d'une ruelle, là en haut d'un escalier.

S'il nous fallu quelques tentatives pour comprendre la psychologie du voyageur, nous finîmes par mettre au point la manière qui devait nous servir maintes fois et qui a donné forme à l’idée du tourismotourisme. Par soucis d'efficacité et pour mieux inspirer confiance nous nous étions séparé en deux groupes. Rachid en compagnie de Chérif, Redwan et moi naturellement remorquant Zineb dans notre sillage. Il convenait donc d'aborder aimablement le client. On le sélectionnai de préférence seul, en couple ou en famille... mais justement en voilà une qui s'approche.

Lui, grassouillet, caméra autour du coup, déjà transpirant. Elle décharnée, avance guindée dans une robe coupée au dessus du genou d'un synthétique moderne et criard. Elle a un morveux de sept ans accroché à ses jambes. Dès qu'il aperçois les boucles ou les yeux foncés d'un gamin de son age, il s'autruche illico dans les jupes de maman. Autant dire que le mioche avance en apnée. Trois mètres en arrière du groupe, traîne une adolescente d'environ treize ans. Queue de cheval qui balance par derrière sa tête, de grosses lunettes noires qui lui masque le devant. Elle se coltine une démarche faite de mépris, d’indépendance et de dégoût.

Redwan me balance un coup de coude : —  Chouf[14], des facances.

Il s'agit maintenant de pas effrayer le quidam. Émergeant du clair-obscure de l'arcade, j'opte pour l'approche frontale, le regard franc, mais attention pas insistant. J'avance lentement leur donnant le temps d'apprécier ma belle petite gueule d'amour. En arrivant à leur hauteur je propose dans un français impeccable :

—  Une petite visite de la Médina messieurs dames ?

Au ralentissement à peine perceptible de son allure, je sais que la corde a vibrée.

—  Grand Socco ? Petit Socco ? Bab El Mansour[15] ?

Il se tourne vers elle, interrogateur. Ça sent bon pour moi. De la panoplie de mes sourires je sort celui de l’honnêteté candide, et sans laisser à madame le loisir de cogiter j'ajoute :

—  Fort de la Kasbah ? Palais Moulay Hafid ? Les plus belles vues de Tanger ?

Elle demeure le visage hermétique, pourtant ses épaules ont un petit soulèvement et ses yeux s'y prêtent : « Pourquoi pas ? » Lui, s'arrête pour me considérer d'un regard soupçonneux, le reste de la famille s'immobilise derrière lui. Ferré ! La corde se tends, il me jauge et commence a négocier. Aguerri au principe qui énonce que le touriste, neuf fois sur dix, payera la moitié de ce qu'on lui demande, j'annonce un prix de vingt Dirhams. Il m'en propose dix. J'accepte, à la condition qu'il paie d'avance. Marché conclu, et nous voilà parti.

Nous amorçons l’ascension par la Rue de la Marine. Nous traversons le marché sur la place du Petit Socco pénétrée des odeurs de la coriandre et de la menthe fraîche qui se marient à l'épices, la pêche et la viande. Nous laissons les boutiques de vaisselle et d'ustensiles en fer blanc. Plus haut nous débouchons le souffle court dans le bassin du Grand Socco. Au milieu du nuage de poussière soulevé par les autocars, la marée humaine nous engloutie. Nous nous frayons un passage parmi les voyageurs, attablés sur le trottoir, qui dévorent la soupe de fèves chaude proposée par un boui-boui crasseux. Téméraires, nous franchisons la rue. Sur le terre plein qui occupe le centre de l'agora, nous déambulons au milieu d'une foule, a l'attention, devant les conteurs, les acrobates et les charmeurs de serpents, un paradis pour les pickpockets. Au delà de cet ménagerie, nous avançons sous les frondaisons des deux jacarandas colossaux qui couronnent le marché du pain. Les vendeuses accroupies arrangent sur leur kilim[16] des pyramides de pain encore chaud. Nous débouchons dans le calme de la rue Sidi Bouabib où nous entrons visiter le cloître du Palais Moulay Hafid. Nous admirons un instant les magnifiques portes de cèdre sculpté, ornées de heurtoirs monumentaux en cuivre travaillés. Nous poursuivons par l'enfilade de la rue d'Italie pour pénétrer, à l'angle de l'Avenue Tétouane, dans le quartier des tanneurs où règne puanteur, saleté et gadoue. Toujours un succès avec les dames. Moi, gredin, je jubile de leur inconfort. Je pourrais ressortir immédiatement par la Rue El Jadida, au contraire je prends malicieusement le chemin qui longe les bains nauséabonds. Nous fuyons la pestilence par l'Avenue Ibn Al Abbar. Nous dépassons le cinéma Alcazar, temple de l’esthétisme kitsch qui charme autant qu'il amuse par sa faiblesse pour la meringue de plâtre aux couleurs pastels. Nous franchissons Bab Gzenaia pour pénétrer au delà des remparts dans la Médina véritable. Nous coupons L’Esplanade du Sbou cernée des échoppes de cristal côté ville et des marchant d'or côté Médina. Enfin nous attaquons l'ultime grimpée par la Rue Tijania. Rythmée d'orangers et de citronniers, cette voie en escalier de marches larges et faciles, monte vers le point culminant de la Médina. À la mi hauteur nous faisons un détour par le tombeau Ibn Battuta, l'explorateur Berbère du douzième siècle reconnu et respecter pour ses récits de voyages. Nous voilà tout en haut de la Médina sur le parvis du Fort de la Kasbah. Une vue grandiose à 180º s'ouvre sur la rade et le détroit de Gibraltar. Tandis que la famille s'extasie devant le spectacle de la baie azurée, je disparaît dans une petite rue et par la porte entrouverte de la maison de Redwan, les plantant là pauvres pigeons.

En embuscade sur la terrasse qui surplombe le site nous espionnons nos poires. Ils s’agitent. Lui marche de long en large. Lance une œillade inquisitrice à l’entrée des ruelles, les bras ballants, la mine défaite. Elle, elle l’engueule tout simplement.

Nous guettons patiemment l'ombre du désespoir sur leur physionomies, celle qui fera de Redwan un sauveur inespéré quand il apparaîtra sur la place déserte. On l'aborde, il fait mine de ne pas comprendre. Il fait semblant de continuer son chemin. On le retient par la manche, on le submerge de suppliques alarmées. Pour finir, le visage éclairé d'entendement Redwan propose :

—  J't'y amène a la gare des trains missiou ? Ci pas loin dix minoutes, t'y vou missiou. Wakha[17] ? Tout di suite j't'y montre, quarante Dirhams, Wakha ?

Comme prévu il en obtiendra vingt.

**************

Plus tard on se retrouvera chez le glacier de la Rue Goya. Double chocolat pour Redwan. Chocolat pistache pour moi, et pour Zineb vanille fraise qui lui empoissera les doigts en dégoulinant tandis qu'elle me dévore des yeux.



[1]À Tanger la plage n'avait pas de nom avant les grands développement immobilier des années 68 à 72, les Tangérois disait simplement La Plage.

[2]Seule plage privée de mon enfance. La plage du Yacht Club s'étendait, adossée à la digue du vieux port dans la partie la plus occidentale de la baie. La séparation se faisait par des poteaux aux couleurs rouge noir et jaune qui soutenaient des fils barbelés.

[3]Avenue des Forces Armées Royale, aujourd'hui Avenue Mohamed VI.

[4]École primaire française de Tanger.

[5]Chacun de ces hôtels morcelant la plage publique en autant de baignade privées, obligeant les Tangérois à rechercher l’accès aux vagues toujours plus loin le long de la baie.

[6]On sait par les archives publiques que la majorité des investissements qui ont financé la défiguration de la baie de Tanger venaient du roi Hassan II, des membres de la famille royale et des proche du pouvoir.

[7]Gardiens.

[8]Brasero portable.

[9]Cannabis mélangé à un peu de feuille de tabac et haché fin. Le Kif a la consistance d'une persillée.

[10]Pâte composer de dattes et figues mélangé à du hachisch.

[11]Petit fourneau de terre cuite placé en bout de la pipe du fumeur de Kif.

[12]Pipe du fumeur de Kif.

[13]Au début de l’arrivée massive des touristes les gens fuyaient les photographes. Plus tard il se feront simplement payer pour autoriser qu'on les prenne en photo.

[14]Regarde

[15]Porte El Mansour

[16]Tapis de prière

[17]D'accord

 

24 novembre 2020

Atelier au féminin en partenariat avec la fondation des femmes à la Cité Audacieuse

Au sein de chaque femme, il y a une créature sauvage et naturelle, une force puissante, remplie de bons instincts, d'une créativité passionnée et d'un savoir sans âge. ….

"Une femme qui vit autorise les autres à vivre."

Voici le voyage inspirant:

De Sandrine Cardon

Être femme, c'est apprendre, apprendre tout au long de sa vie. Apprendre à sourire quand on voudrait crier, apprendre à se taire quand on voudrait frapper, apprendre à être conciliante quand on voudrait tout envoyer valser. Oui, être femme, c'est apprendre ! Apprendre à danser entre les balles, à danser sous la pluie, à danser avec la vie. Mais c'est aussi apprendre à l'ouvrir quand on voudrait nous faire taire, apprendre à oser quand on nous retient, apprendre à frapper haut quand on nous écrase. Être femme c'est désapprendre ce qu'on nous oblige à apprendre.

 Être femme, c'est accepter. Accepter cette société dans laquelle on grandit. Accepter ce corps qu'on voudrait nous voir brimer, cacher, lisser, épiler, opérer, lifter, charcuter, photoshoper. Accepter ce corps qui change, qui vit, qui se transforme et l'aimer. Être femme c'est refuser d'accepter que nos corps ne soient pas respectés. C'est refuser d'accepter qu'on l'utilise pour vendre des voitures, du shampoing, du carrelage ou des voyages. Être femme, c'est refuser d'accepter qu'on bouscule nos corps, qu'on les touche, qu'on les viole, qu'on les écorche, qu'on les mutile sans notre accord. Être femme c'est refuser d'accepter !

 Être femme, c'est s'entraider, se serrer les coudes et les boobs, se relever et s'inspirer, s'encourager et se complimenter. Être femme, c'est soutenir ces autres femmes parce qu'elles aussi apprennent à désapprendre et refuse d'accepter.

 

 D'Hélène Gozé

ma soeur,

tu sais donner ta vie
le sacrifice ultime
ta vie pour les autres,
pour les tiens ou pour un inconnu,
pour un idéal.
rien n'égale ta détermination
quand tu t'es fixé un but
et ton audace est infinie.

tu crées le monde et
la beauté qui le sauvera,
tu le regardes avec mansuétude.

tu sais donner La Vie
tu détiens le pouvoir ultime.

 

De Claire Fougerol

Être femme, au début, fille donc, ça ne veut rien dire, c'est abscons.
Mais très vite c'est s'inscrire dans une lignée de femmes, créatrices de monde.
Je les observe ; elles gèrent la vie, elles confèrent les soins, soutiennent, guérissent les petits bobos
mais pansent aussi de plus gros maux.
Elle nourrissent, planifient, organisent...
Elles m'aident à vivre en offrant leur gynergie.

Tout à coup, Être femme devient être ciblée par la misogynie des hommes.
Très vite dans ma vie je l'ai constaté et en ai ressenti beaucoup d'effroi.
Puis j'ai subi dans ma propre chair cette colonisation, cette intrusion.
Sidérée Je n'ai pas eu conscience d'avoir été déracinée de mon pouvoir Puis c'était trop tard Plus de défenses face à une cascade de viol-ences

Puis Être femme et être en itinérance, en quête de moi, en quête de sens.
Les êtres végétales m'aident à faire repousser mes branches et les câlins aux arbres me font ressentir la puissance
de l'ancrage en notre Terre.
Ma sève remonte et je regagne en vitalité pour continuer mon voyage sur la planète.
Encore perdue, mais confiante, je teste je découvre je m'enrichis sans m'en rendre compte. Une puissance me guide là où elle faut.

À un moment, Être femme rime avec être féministe !
Mon engagement militante se concentre sur mon essentielle.
J'écoute, j'analyse, je dénonce et m'entoure d'une toile solide de femmes puissantes. Sorcières, si j'ose !
Cette reprise de contacte avec la sororité, cet élan instoppable d'une marée de femmes qui désirent
justice joie santée équilibre écologie respect beautée pérennitée sérénitée

Enfin, oui enfin, Être femme.
Je me découvre aimer les femmes.
Aimer les femmes intégralement (intégralamante)
Être femme et Être lesbienne.
C'est ma source. J'ai enfin trouvée.
Ou plutôt re-trouvée
Et cela ne fait que commencer

 

De Céline Choquet

Être femme c'est ôter les larmes des autres, non leur tristesse, comme on sècherait la rosée sur une fleur.
Être femme c'est ouvrir un espace de liberté, sans pour autant s'évader, comme un cygne déploierait ses lourdes ailes.
Être femme c'est avoir l'audace de dire la vérité, sa propre vérité, comme l'oasis au beau milieu d'un désert insoutenable.
Être femme c'est créer de la beauté pour soi et autour de soi, sans rien prétendre combler, comme des couleurs garniraient un bon repas.
Être femme c'est prodiguer patiemment sa tendresse, souvent juste par sa présence, comme une louve veillerait ses petits.
23 juillet 2016

15-17 ans Atelier d'écriture "osé" suite à l'expo Egalité mon œil!

 Inégalité Femmes/Hommes

Les mots qu’on a tirés de l’expo à utiliser obligatoirement :

Luxe, Injustice, travail, égalité, salaire, cul, parité, viol(ence), évolution, sexe, affiche

L’égalité des sexes est une illusion ! C’est l’injustice flagrante ! La parité au travail est un bon exemple. Les salaires des femmes sont 30% inférieurs à ceux des hommes. Les femmes subissent de nombreuses violences. Ce n’est pas demain la veille que les femmes se paieront le luxe d’avoir un cul en or (réf à l’objet masculin)                                                                                   Loi

Une femme a le droit d’avoir un travail avec le même salaire qu’un homme.

A t-elle aussi le droit de battre son homme ? Lui manquer de respect ?

Un jour y aura-t-il un monde sans viols ? Le cul sans importance pour les hommes ?

Vivons-nous dans un monde sans injustices ? Avec les mêmes égalités ?

Pourquoi une femme aura beau travailler plus qu’un homme, évoluer plus vite, son salaire ne sera jamais égal à celui d’un homme ?

Sarah, jeune du camp CCAS

 

Pour se payer le luxe

De sexe sans viol

De cul sans violence

Pour gagner sa parité sans l’afficher

La (r)évolution travaille à la lente égalité

Virginie

 

Qu’est ce qu’une femme ?

Des seins, un cul et le moins de cervelle possible ?

C’est malheureusement la dure réalité, du moins pour le moment, nous l’espérons !

L’injustice qui règne dans notre société qu’il s’agisse de parité au travail ou dans quelque domaine que ce soit, par exemple les salaires est flagrante.

L’évolution ne nous aurait pas laissé le temps de penser à l’égalité ?

Si seulement ce principe était le seul à être touché mais la réalité est bien cruelle. A croire que ne pas souffrir de harcèlement sexuel ou moral pour ce sexe féminin est un véritable luxe. J’en veux pour simple exemple la violence dans le couple. Tous les 2,7 jours une femme meurt sous les coups de son mari. J’aurais pu tout aussi bien parler des attouchements qu’elles subissent quotidiennement dans les transports en commun ou même de la censure qu’elles peuvent parfois subir quand à la tenue dans laquelle elles s’affichent. L’autre problème est peut être que l’on ne les laisse pas mener leur propre combat puisqu’elles sont  sous représentées en politique même si malheureusement ce domaine est loin d’être le seul à être touché

Maël

12 juin 2015

Ecrire son autobiographie

Dans le cadre d' ateliers de méthodologie:

COMMENT ECRIRE SON AUTOBIOGRAPHIE

 

CAROLINE   juin 2015

 

Je me souviens des moustaches de mon père...

 

Et pourtant cela fait déjà vingt ans qu'il ne les montre plus !

Pas facile la relation avec mon père … plutôt sur le mode hétéro agressif comme certains pédo psychiatres fumeux se plairaient à la qualifier – genre :

- Papa ! Pourquoi tu ne te coupes pas la moustache ?

- réponse : on ne met pas les coudes sur la table quand on mange !

Il faut dire que nos repas étaient quasiment pris tous les jours en collectivité et la table de mon père – alors directeur d'une maison de retraite - constituait un lieu stratégique. Nous étions en représentation – pas question de déchoir.

Et - avec ses belles bacantes – il se dégageait de mon père une autorité implacable ne souffrant aucune critique.

Bien mal m'en a pris donc de m'attaquer à ce géant que je n'eus de cesse de contester dès l'enfance …

Papa, pourquoi tu ne te coupes pas la moustache ? Juste une fois !!! je ne t'ai jamais vu sans moustache ! Je serais un homme – j'aimerais bien savoir quelle tête j'ai sans moustache.

- je t'ai demandé de ne pas mettre tes coudes sur la table !!!

 

A ce moment-là j'avais déjà pris un air renfrogné et mes coudes restaient partis liés à la nappe sur laquelle reposait le service.

Ma mère redoutant l'orage mais n'osant s'exposer aux foudres de son époux tentait une diversion – en vain. Tout espoir d'instaurer un dialogue avec mon père s'était évanoui et l'appel de sa fonction de directeur avait déjà repris ses droits.

 

Souvent je fondais en larmes et m'enfuyais hors de table à moins que ce ne fut l'inverse.

 

 

Isabelle

Auroville, 4 avril 2015

… Je me souviens du flux et reflux de la mémoire…

Les dernières conversations, savoir qui prend quoi pour cette sortie en montagne, le rendez-vous, sur le Vieux Pont. Le petit matin nous accueille, engourdis de froid et joyeux.

 

Les cahots de la route et les suspensions du break nous projettent les uns contre les autres. Plus tard, après un café pris avec le berger du village, assis près de la fontaine médiévale, nous partons en accordant nos pas, nous progressons lentement vers la crête ensoleillée.

 

De cette vallée de bruyères et genêts, une autre histoire se dessine. Notre passé avec l’Espagne, nos souvenirs de vacances, nos conversations. Hier soir, Modiano passait à « Apostrophes », sa retenue, ses silences.

 

Nous suivons du regard les mouflons sur les flancs abrupts, le berger rassemble ses troupeaux.

 

Puis, nous commençons la descente, joyeusement, bruyamment. Nous nous arrêtons pour cueillir des fleurs, des myrtilles. Nous trébuchons souvent, l’épreuve des cailloux…..

 

A toi, mon souvenir, mon ami dont j’ai tant appris. Tu vis dans mon cœur, j’ai souvent effacé ton nom, mais ton visage, ton sourire, tes peines m’apparaissent toujours au gré des rencontres et des émotions.

 

Je peux t’entendre…

 

-       Aujourd’hui, que veux-tu me dire à travers cette journée que nous avons si souvent répétée ? Pourquoi t’approches-tu ainsi dans ma mémoire ?

-       Tu es partie depuis longtemps. Tu t’étonnes d’avoir délaissé mon souvenir, ma présence. Mais tu vois, je reviens si facilement. Tu m’amuses.

-       Tu n’as pas changé, je ne comprends pas. Tu portes en toi, cette joie, cet émerveillement, cette tranquillité comme en ce dimanche d’été. Comment fais-tu pour jouer avec le calendrier ?

-       Je suis là, toujours là, à ta guise, tu choisis le refrain. Je te laisse rentrer chez toi, après cette excursion.

 

 

FRANCIS

Dans mon enfance, je me souviens des arbres de Noël chargés de bougies et de boules autour duquel toute la famille chantait, tournée vers la crèche de l’enfant divin.

Noël, sa préparation, le temps de Noël reste pour moi, de loin, l’une des meilleures périodes de ma vie qui se renouvelait chaque année.
C’est mon frère André qui préparait la crèche, on allait dans la nature chercher des petits bâtons, de la mousse, des feuilles pour construire la grange et la mangeoire où l’on mettait le nouveau né.
Moi même j’aidais, me coulant toujours à ce qui semblait le mieux à mon grand frère et progressivement avec de la mousse pour l’herbe, des graviers pour les chemins, ça devenait le lieu d’accueil de tous les petits santons à sortir le 24 décembre au soir. On mettait l’enfant Jésus bien emmailloté, on disposait le bœuf soufflant sur lui pour le réchauffer, l’âne gris et bien sur Marie et Joseph.
Les rois mages venaient pour l’Epiphanie.

Il y avait surtout le grand sapin plein de décorations de boules de verre tellement fragiles et d’étoiles, la grande étoile au sommet. En dernier on le chargeait de bougies aux flammes vivantes et dansantes à surveiller dans leur fantaisie à pouvoir tout bruler, mais nous laissant notre confiance.
Et en chœur on chantait tout un répertoire de Noëls classiques. Au fil des jours, durant cette période, on invitait des voisins, des amis à se joindre à notre joie. Parfois c’était la femme de ménage qui venait partager ses vieilles rengaines qui l’émouvait aux larmes.

 

04 Avril 2015

Écrire son autobiographie TAJ

Exercice 1

Je me souviens

Je me souviens, je ne me souviens pas, je ne me souviens plus. Des souvenirs je n'en ai pas, je n'en veux pas. Je ne me souviens de rien...archi-rien...

Et pourtant si... je me souviens.

Je me souviens du quadrillage sombre de la porte fenêtre sur le carrelage de ma chambre vide, pleine de ton absence. Je me souviens de trouver les bonbons que tu abandonnais sous mon oreiller. Je me souviens que je les acceptais honteusement, qu'ils avaient le goût de la trahison dans ma bouche. Je me souviens de la pénombre où tu reposais, de l'odeur d'eau de Cologne qui émanait du gant de toilette posé sur ton front. Je me souviens que je me languissais de la mollesse de ta joue, de tes bisous. Je me souviens de la trace salée que laissent les larmes, de la morve qu'on ravale et des poumons qui cherchent l'air. Je me souviens du téléphone qui réveille la maison en pleine nuit. Je me souviens de cette mort dérisoire qui t'as faite tant pleurer. Je ne le connaissais pas moi ce monsieur aveugle qui m’appelait mon poussin.

Je me souviens du marchant qui comptait vingt centimes de boules de gomme. Je me souviens que je le surveillais intensément. Je me souviens de ma première cigarette dans le cagibi, de l'allumette vive égarée dans les chiffons, j'ai bien failli démarrer un incendie ce jour là. Je me souviens de mon premier joint et que je me moquais de là où il me mènerait. Je me souviens de ma première branlette, ma première décharge, du bouleversement à la racine du sexe. Je me souviens du point virgule dans la démarche de mon premier amour, des yeux de chat de mon deuxième amour, des tatouages de mon troisième amour. Je me souviens de l'émail étonnant de mon grand amour, un charme fou. Je me souviens des slows embarrassés que j'endurais sous peine de passer pour un nul, je me souviens que je me sentais quand même très très nul. Je me souviens de mon premier baiser plein de dents entrechoquées de souffles courts. Je me souviens du concours du patin le plus long, comme j'aurais volontiers participé si seulement elle avait voulu. Je me souviens de la douche des garçons, du challenge des regards inquisiteurs, de mon zizi rabougri de honte. Je me souviens d’espionner la douche des filles. Je me souviens des cheveux détrempés, de la peau qui ruisselle, des membres graciles, des poitrines plates et lisses, des jambes maigres, surtout je me souviens de leurs rires. Je me souviens de n'avoir jamais percé le mystère de cette croisée qui me préoccupait tant.

Je me souviens des mandarines de Youssef au marché de Tanger. Je me souviens des churros, de la granizada, du marchand de pépites en face du cinéma Mauritania. Je me souviens des glaces de l'avenue des F.A.R., deux boules énormes, chocolat pistache, dans un cornet gaufré, une tonne de chantilly couronnée d'une vraie fraise. Je me souviens que je les mangeais seul, à l’arrière de l'auto. Je me souviens de Mademoiselle Onde en robe de bure et sandalettes. Je me souviens de Madame Mollar, si gentille malgré qu'elle fut soumise à la méchanceté des gosses et à un veuvage précoce. Et de Monsieur Floret qui hurlait broyé de douleur quand le cercueil de sa petite Clotilde disparaissait sous terre. Je ne me souviens pas de sa femme, elle le soutenait pourtant. Je me souviens du cours d'anglais de Monsieur Langlet où on ânonnait pendant des heures, lui avait la tête enfouie dans des livres d'ornithologie. Je me souviens des poseurs à la sortie du lycée et de la mijaurée des filles pour gagner des tours sur leurs motos. Je me souviens de Salah un immigré dans son propre pays. Qu'est ce qu'on a pu rigoler quand nous préparions le chanvre pour en faire du kif. Je me souviens de son reproche chaleureux après que je lui ai donné mon lit : « Frère je suis en retard au boulot maintenant que je dors sur tes ressorts ! » Je me souviens du surveillant général du lycée Descartes de Rabat ; quel con celui-là ! Je me souviens de l'air goguenard de Monsieur Gervais, Compagnon du Devoir, quand j’essayais la paire de souliers confectionnée de mes mains qu'à l’évidence je ne porterais jamais.

Je me souviens de mon estomac troué la première fois que j'ai passé du haschisch à la douane, et la deuxième fois et toutes les autres fois. Je me souviens des bulles dans la cuillère, des bulles dans la seringue. Je me souviens de la nausée tous les jours plusieurs fois par jour. Je me souviens du cheeseburger que j'engloutissais – vaut mieux avoir un truc dans le ventre avant de s'injecter – ça fait vachement mal les spasmes sur un estomac vide ! Je me souviens de notre première partie d’échec notre unique partie d’échec qui toujours restera pour moi la seule partie d’échec. Je me souviens de t'entendre dire « Viens avec moi si tu veux » pendant que tes yeux démentaient « Tu n'en auras pas le cran. » Je me souviens de notre mariage épique. Je me souviens de ce gnon et du sang chaud qui coula de mon nez. Je me souviens de Géraldine, toute rafistolée de fil de fer qui t'aimait tant. Je me souviens de cette bûche qui roula de l’âtre enflammant le matelas sur lequel nous dormions. Je me souviens de ce vendredi 13 avril dans une salle des douches de l’aéroport Charles de Gaulle. Je me souviens de l’immensité de la mer sur l’île de Lifou. Je me souviens de l'auberge de jeunesse de Nouméa, un ramassis de paumés géniaux. Je me souviens de Sylviane la main du destin, du gentil Suisse le l'auberge de Cairns et de Maria Basinski la poche du destin. Je me souviens d'Hilary la folie douce dans la démesure. Je me souviens d'Edna baleine grincheuse à plat ventre sur la pelouse en surplomb du trottoir. Je me souviens de Pierre bossu adorable avec l'hygiène d'une guenon.

Je me souviens de chaque tentative, de chaque échec, de chaque succès. Je me souviens de chaque regard rabaissant, de chaque regard aimant, de chaque mot blessant de chaque mot d'encouragement. Je me souviens de tout. Je me souviens surtout de ce que je voudrais oublier.

Je me souviens de la lettre de refus de l'Entry Service[1] d'Auroville.

 

 

Exercice 2 : Développer l'un des souvenirs de l'exercice 1 – Insérer un dialogue.

Premier souvenir : Je me souviens de l'air goguenard de Monsieur Gervais...

Compagnons du Devoir et du Tour de France. Comment ai-je bien pu me fourrer dans une galère pareille ?

Compagnon : Un mot qui donne à entendre camaraderie, fraternité, partenariat. Des copains moi, j'en ai pas. Mes frères m'ont toujours tenu à l’écart de leurs intérêts et de leurs jeux. Quant à l'esprit d’équipe... même les sports  auxquels je me suis adonné autrefois se distinguaient par leurs attributs individualistes – Tennis et Fumette – en vérité pas des apprentissages de complicité ni d'obédience.

Devoir : Oh pauvre ! À l’école les devoirs, moi je les rendais pas. Les obligations m'irisent, les civilités m'exaspèrent et les dettes j’évite d'en avoir. La notion de faire son devoir me révolte. À la caserne de Tarascon pendant le conseil de révision[2], le capitaine psychiatre que j'avais demandé à rencontrer me questionna :

« Jeune homme, qu'est-ce qui vous intéresse dans la vie ? »

« Me droguer. »

« Voyons, mon garçon, à part ça ? »

« Heu... Mmmm... Aarg... Pfff... Non, rien, j'sais pas... La défonce... Peut-être un peu l’alcool... » Proposais-je.

« P4.[3] » Déclara-t-il péremptoire, me reformant comme une sentence alors qu'à mes oreilles résonnait un chant de liberté.

Tour de France : Hé ben, moi qui ne pratique ni le tourisme, ni le cyclisme me v'là servi !

Rien donc, vraiment rien, n'aurait dû m'aguicher dans cet intitulé au paternalisme flagrant. Et pourtant... Me voici m'affairant dans l'atelier de Monsieur Gervais, Compagnon du Devoir, en notre belle ville de Lyon. Assis sur un tabouret bas, devant un établi bas, respirant la néoprène au milieu des rognures de cuir, j’achève ma toute première paire de chaussures. Par quelle fortune des astres, par quelle charade abracadabrante, moi le révolté impie, l'exilé marginal, le drogué par vocation, me dévoyais-je dans une aventure aussi atypique de mon caractère ?

Si je dois remonter les méandres de ma mémoire, déroulé le fil de l'histoire, j'en arrive à la constatation banale néanmoins exacte que tout commença de façon fortuite. Je sortais du BHV[4] Rivoli où je venais de commettre quelques larcins dont la nature m’échappe à l'écriture de ces lignes. Il faisait beau, il faisait bon, il faisait l'été. Alangui par mon pétard, dans la douceur d'un après-midi ensoleillée, mon pas flottait mollement au dessus des pavés du Marais. Pourtant mon cœur cafardait et ma tête grondait de révolte. Aujourd'hui pour la énième fois j'avais eu avec mon père un accrochage agro-bruyo-chameau au sujet de mon avenir. On ne se voyait guère, je n'habitais pas à la maison depuis plus d'un an, mais une ou deux fois par quinzaine séduis par la perspective d'un repas copieux j'avais la faiblesse de rendre encore visite à mes parents. Quand bien même, il ne faut pas me marcher sur les pieds. Papa, s'inquiétait donc pour mon avenir, sans s’inquiéter de ma passion pour les narcotiques ni des ecchymoses qui tachaient le creux de mes bras. Nous n'abordions pas ce sujet. Jamais nous n'y faisions allusion. Son désarrois se changeait en colère « Tu as refusé de passer le Bac, depuis tu fainéantes toute la sainte journée. À dix neuf ans, te décideras-tu enfin à te prendre en main ? Tu es nul comme tes frères ! J'ai eu trois fils j'ai fais trois idiots ! Que vas-tu donc faire de ta vie abruti ? » Moi, j'entendais « Quand disparaîtras-tu donc de ma vie parasite ? »

Ces prises de bec m'affectaient profondément. Elles me laissaient humilié et enragé. J'aurais voulu lui dire « Tu verras bien, vas ! Je vais conquérir le monde. Je vais faire de grandes choses, tellement grandes qu'alors tu auras honte de ne m'avoir pas reconnu plus tôt. Surtout je vivrai libre, pas comme toi, toujours soumis aux méchants, sans cesse consentant au pire. Un esclave moi je ne le serai jamais ! » Voilà ce que je lui lançais au visage par mon silence. En revanche, j'aurais mieux fais d'y croire à ces plans que je tirais sur la comète... Mais par quelle démence a-t-on jamais vu un enfant triompher de son père ? J'avais tout à prouver moi, lui il lui suffisait de dominer, de questionner, d'affirmer. A priori il tenait la partie haute du postulat. Alors je remballais ma morgue et mes incertitudes et je repartais, la rage au ventre, brûlant de trouver le moyen de prouver ma valeur.

Je quittais la Rue de Rivoli par la Rue de Lobau et je m'engageais flânant sur la Place Saint Gervais capturé par l'apparition basilicale de l’église du même nom. J'ai beau descendre d'une lignée d’athées endurcis, je garde – en dépit des principes de mon éducation – des égards pour les fastes de l'architecture fétichiste[5]. En plus je souscris entièrement à la déclaration de Karl Marx qui voudrait que : « La religion est l'opium du peuple. »

Opium : Dérivé du pavot, reconnu pour ses propriétés hypnotiques puissantes... et moi les drogues j'aime ça !

Je m’assis un instant sur la place, à l'opposé de l’édifice construit de pierres blanches et dont la masse ensoleillée se découpait sur un ciel bleu schtroumpf. Au pinacle du bâtiment, une croix de bronze imposante attestait des idolâtries dont l’église était à coup sûr le théâtre. Des ormes majestueux ombrageaient la place donnant au lieu sa beauté véritable, celle qui touche et transporte l’âme. Depuis mon banc, dans l'ombre fraîche, j'observais un couple de pigeons qui répétaient les mouvements de caméra d'un film X. Il la poursuivait en roucoulant furieusement. Elle faisait modestement la prude. Il se gonflait du jabot à en éclater comme dans la fable. Le prétentieux cherchait constamment à lui barrer le chemin. Elle accélérait, s’échappait d'une envolée et les voilà tous les deux battant l'air pour un instant qui se posaient un peu plus loin et recommençaient leur manège. Mon regard, à la poursuite des ébats des deux volatiles, accrocha sur ma droite un attroupement insolite. En retrait du coin de l’église, au début de la Rue de Brosse, un groupe d'adolescents accompagné par quelques adultes faisait le pied de grue sur un perron surplombant la chaussée. Les allures endimanchées déguisaient mal un embarras d'ordre provincial qui m'intrigua beaucoup et je m'approchais fouineur. Les jouvenceaux attendaient devant un immeuble ancien construit de biais à cheval entre la Place Saint Gervais et la Rue de Brosse. Le rez-de-chaussée de la maison revêtait un assemblage savant de fer de bois et de verre, l'effet en était classique et sobre. Des armoiries couronnaient la porte ; j'y reconnaissais l’équerre et le compas, il y avait aussi des bâtons, des écharpes, des pompons et divers objets que je ne savais identifier. En travers du fronton on lisait une inscription en lettres de bronze massif et avec un U à la romaine – COMPAGNONS DV DEVOIR – Au moment même où j'arrivais au pied des marches, deux gars sortaient du bâtiment par la porte grande ouverte sur la rue et sur l'assemblée.

Les jeunes gens dont le plus âgé devaient avoir au plus vingt cinq ans, exsudaient aisance et simplicité. Il y avait dans leurs manières un je ne sais quoi de familier qui me donna l'impression de les connaître déjà, je les aimais d’emblée. L'un s'appelait Jean-Baptiste, l'autre Benoît, l'un couvreur, l'autre carrossier tous deux Aspirants Compagnons. Ils proposaient une visite guidée de la maison et des ateliers. Bien que je fisse un peu tâche au milieu de cette troupe d'angelots, j'emboîtais le pas au groupe qui se forma à la suite de Benoît. La visite dura deux bonnes heures durant lesquelles je suivais, non pas tant les explications de Benoît, mais charmé par la beauté des lieux. Partout s'exhibait l'art des Compagnons : Les boiseries, le mobilier, les toitures, les charpentes, les escaliers, l'encadrement de pierre des portes et des fenêtres, l'arc boutant des cintres, les dallages, tout était beau, habile, excellent. Dans chaque recoin il y avait matière à s'émerveiller. Je n'attrapais plus que des bribes fragmentées de l'exposé de Benoît. J'avais disjoncté vers un autre siècle. Je remontais le temps à la rencontre du spectre de mes ancêtres, ces culs-terreux qui louaient leurs bras pour du pain et des racines. Je sentais vibrer en moi la même admiration que mes aïeuls devaient avoir pour ces Compagnons du Devoir qu'ils imaginaient maîtres de leur vie. Compagnons de la liberté qui voyageaient de ville en ville. Compagnons de la gloire que l'on attendait à la construction des cathédrales. Compagnons du bonheur que l'on fêtait avec dîner chaud et lit douillet. Comme ils avaient dû être envieux mes prédécesseurs les serfs et souffrir du poids de leur captivité en apercevant les Compagnons du Devoir disparaître au fond du vallon, tourner le coin du bois ou passer le pont.

Nous nous trouvions maintenant dans les ateliers impeccablement propres et rangés. Déserts à cette heure-là, il y régnait le calme incertain de l'activité en suspend. Benoît nous adressait d'une façon probablement inspiré par le mot – Devoir.

– En fin de journée et tout le samedi, les apprentis se rendent aux ateliers pour l'étude. Ils révisent les techniques apprises en entreprise et suivent l'enseignement des Aspirants et des Compagnons. Quand ils se sentent prêt, les apprentis travaillent à une pièce d'adoption. Les Compagnons décident de l'adoption d'un apprenti au titre d'Aspirant. Pour se faire ils examinent le travail soumis, et avec la Mère arbitrent sur le comportement du jeune au sein de la communauté. Un Aspirant peut séjourner dans toutes les maisons du Compagnonnage. Pour se perfectionner aux techniques et dans le savoir de son métier l'Aspirant entreprend un Tour de France qui peut durer plusieurs années. Finalement, après la réalisation du Chef d'Œuvre, l'Aspirant lors d'une cérémonie de réception accédera au titre de Compagnon. À ces mots, les chaperons ne se sentant pas de joie et pour montrer leur aise se dandinaient et caquetaient comme tout à l'heure les deux pigeons sur le parvis de l’église. 

Pourquoi n'ai-je pas fuis en criant à la niaiserie anachronique, à la phalange réactionnaire, à la secte ouvrière ? Avais-je succombé aux miasmes de la schnouff ou à la culpabilité que je cultivais vis à vis de mon père ? Allais-je renoncer à mes rêves de poésie maudite, mes ambitions scélérates et mes théories impudentes ? Voulais-je m'émanciper d'une existence qui me pesait en sourdine et dont j'avais en vérité un peu honte ? Avais-je mûri ? Je ne sais pas...

Nous étions maintenant rassemblés avec l'autre groupe dans la salle du réfectoire. La troupe des bleusailles formait un cercle étroit autour des deux hérauts. La visite touchant à sa fin, Benoît proposa de répondre aux questions. Je levais la main :

– Il y a-t-il des corps de métier plus recherchés ou plus accessibles que d'autres ?

– Les embauches faites dans des entreprises dirigées par des Compagnons déboucheront vers des apprentissages plus valorisants, mais dans certain corps de métier les places sont très rares voir introuvables. Autant dire que les formations de tailleur de pierre ou celles de pâtissier ne s'obtiennent qu'exceptionnellement. Les listes d'attente sont longues et ne désemplissent pas. En revanche nous manquons d’apprenti cordonnier, dans ce métier les admissions se font quasi instantanément.

L'augure était clair, je serais Compagnon cordonnier.

Je choisissais une voie opposée aux ambitions de papa qui ne respectait que l’intellect, cette contradiction transportait mon âme d'adolescent. Je m'y voyais déjà faisant d'une pierre deux coups. D'abord j'honorais la mémoire de mes ancêtres, ensuite et sans refus, j'allais me faire aux marches du palais, la tant belle fille lonla... En tous les cas, de la main du destin les dés avaient roulé – Je sortais le six et le neuf – Piochez une carte poisse – Rendez-vous à Lyon sans passer par la case pétard.

Lyon, ancienne capitale des Gaules au sein de l'empire Romain, occupe une situation de carrefour géographique dans le sud-est de la France entre le massif central et le massif alpin. Au confluent du Rhône et de la Saône, la prospérité de Lyon repose historiquement sur le monopole de la soie, l’industrie textile, l'industrie pétrochimique et plus récemment l'industrie de l'image. Deuxième ville étudiante de France avec quatre universités et plusieurs grandes écoles, Lyon constitue la troisième commune de France avec 496 343 habitants au recensement de 2012. Son importance dans les domaines bancaires, financiers, commerciaux...

Oh et puis zut alors ! Y'a le guide du routard pour ça. T'as qu'à y aller voir toi sur Wikipédia si ça t’intéresses... L'appel du large voilà ce qui m'amenait à Lyon, pas le tourisme. Seul maître à bord je commandais enfin à la marche du navire. Je tendais la voile de la volonté, je voyageais au fil du hasard, je bataillais la houle des doutes et je me mesurais au vent de l'effort. Je fendais les flots de l'émancipation, adieu héroïne, chanvre, ciguë, frissons. Enfin j'allais retrouver le sens moral celui de l'amour-propre. J'évoluerais dans un univers ordonné fait de maîtrise et de beauté. Il restait quand même un détail que j'aurais dû soumettre à réflexion. Le Compagnonnage qui s'est donné pour vocation de perpétuer des traditions et de sauvegarder des savoir-faire, n'a pas pour objectif de réhabiliter les adolescents drogués ni de materner une jeunesse en mal d'affection. J'avais roulé mon joint dans du papier naïf ce jour là.

Je débarquais donc au 9 de la Rue Nérard dans le quartier de Vaise à Lyon. La maison s'ouvrait sur la rue par l'arche d'une porte cochère. Dans le passage se trouvait deux superbes portes en bois – à gauche la salle à manger, à droite l'intendance où l'on m'attendait. La Mère des Compagnons, me souhaita la bienvenue sans faire cas des considérations paradoxales que devait susciter ma présence dans son bureau. Elle m'informa de la Règle qui régit la communauté en Cayenne. Ces principes de vie s'appuient sur les responsabilités individuelles incombant à chacun des pensionnaires. En dépit de la tolérance de son énoncé, j'aurai tôt fait de comprendre que la Règle demande en fait une présence quasi permanente des apprentis dans la maison, abstraction faite des heures de travail en entreprise. Il était exclu d'espérer un peu de temps libre les jours de semaine, heureusement le samedi soir les jeunes gens avaient la permission de minuit et la journée du dimanche restait pieusement chaumée. Notre Mère, comme j'apprendrai à la nommée, me signifia du montant de la pension, qui pour ainsi dire, allait dévorer la totalité de mon revenu. J'eus à remplir et à signer les documents d'inscription et un contrat d'assentiment à la Règle. Elle me guida alors par un large escalier en pierres jusqu'au dortoir réservé aux apprentis de première année. La pièce comptait une vingtaine de lits, rappelant sans doute une chambrée d'internat, si l'on manquait d'observer la patine parfaite des meubles et les lustres de ferronnerie ouvragée suspendus au plafond. Notre Mère m'assigna un lit, second à gauche de la porte. Elle me quitta en m'encourageant à visiter les lieux et me donnant rendez-vous en bas à 17 heures pour me présenter à Antoine l'autre apprenti cordonnier de la maison.

Le dortoir se trouvait au deuxième étage d'un immeuble carré qui se révéla plus vaste que je ne l'avais imaginé vu de l’extérieur. Je déambulais dans de longs couloirs qui alignaient les portes. Quand d'aventure j'actionnais la poignée de l'une ou l'autre je les trouvais déverrouillées s'ouvrant sur des chambres individuelles. La confiance que les occupants s'accordaient mutuellement m'en imposa bel et bien, aussi j'abandonnais là ma curiosité déplacée. Je continuais mon exploration par les douches, les cabinets, les débarras et les placards à balais. Au premier étage, je découvrais une succession de salle de cours, comme à l’école ; tableau noir, tables étriquées et chaises bruyantes sur le carrelage. Il n'y avait rien dans ces pérégrinations qui captiva ma curiosité, si ce n’était la richesse des finitions architecturales qui rendaient compte de l'excellence et de l’habileté des Compagnons. Mais cela ne m'étonnais déjà plus, mes yeux considéraient ces chefs-d'œuvre sans s'émouvoir. Crâneur, j'affectais la désinvolture et le blasé de celui qui porte déjà dans ses mains la faculté de rendre de tels miracles. Tout de même au rez-de-chaussée, j'eus le souffle coupé par la charpente soutenant la verrière en toiture de la cour intérieure. Le préau desservait une enfilade de voûtes dont les portes vitrées à la française donnaient sur les ateliers : Menuiserie, ébénisterie, carrelage, tapisserie, charpente, couverture, taille de pierre, carrosserie, chaudronnerie, cordonnerie. Pour leur part les boulangers et les pâtissiers à qui revient le privilège de travailler dans un laboratoire occupaient, à l’arrière du bâtiment, un vaste entresol encaissé le long de la Rue de Bourgogne. Dans la partie du quadrilatère attenante à l’économat, s'ouvrait sur la cour une salle commune qui servait à la recréation des pensionnaires autour de jeux de cartes, de damiers ou de fléchettes.

À l'heure dite je faisais le pied de grue devant l'intendance n'osant pas frapper. Finalement, la porte s'ouvrit sur la Mère

– Ah te voilà ! Il suffisait de frapper avant d'entrer, viens nous t'attendions. Deux individus patientaient à l’intérieur, un homme la soixantaine, les yeux bleus délavés, le cheveu gris abondant, l'air sympathique et un garçon de mon âge.

– Voici Monsieur Gervais Compagnon du Devoir. À compter de demain tu travailleras chez lui. Tu as de la chance, tu n'aurais pas pu espérer mieux pour ta première année d'apprentissage.

Monsieur Gervais s'approcha me tendant une main rêche.

– Bonjour, je t’appellerai jeune, tu m’appelleras patron, d'accord ?

– Oui, monsieur. Il me regardait fixement la bouche en coin. Un ange passa.

– Heu... Oui, patron.

– L'embauche se fait à six heures trente, au 95 de la Rue Saint Jacques. Antoine te donnera les numéros des bus. Bon je file, à demain jeune, bon pied bon œil. Le visage éclairé de son sourire franc, il me salua à nouveau de sa poignée de main ferme et rugueuse et sortit prestement du bureau. Je bafouillais à sa suite : 

– À demain monsieur... Heu patron. En vérité, je paniquais : Six heure trente ! Il poussait mémère lui... Moi, typiquement j'émergeais à onze heures... couci-couça. Je me rendais bien compte qu'il allait falloir bosser à un moment ou à un autre, mais six heure trente ! Tous les jours !? Brusquement je perdais mes repères !

La Mère ne me donna pas le temps d'émettre le moindre son, elle m'informa que le montant de ma pension diminuait puisque je ne prendrais ni le petit déjeuner ni les repas de midi au réfectoire. Puis se tournant vers le garçon, elle ajouta :

– Antoine conduis donc notre petit nouveau à l’étude. Je te le confie et je compte sur toi pour lui donner un coup de main surtout les premiers jours. Antoine acquiesça et nous sortîmes, lui marchant devant, moi dans son sillage.

D'entrée de jeu nos relations se révélèrent caractéristique de l’abîme qui devait se creuser entre les apprentis et moi. Maintenant on jouait à la vraie  et brusquement je prenais conscience de mon intrusion dans ce monde auquel je ne correspondais pas. Certes, jadis, mes ancêtres travaillaient à la force de leurs bras, mais dans mon cercle familial on n'avait jamais donné que du ciboulot – papa au cartésien, maman aux  psychoses et moi à la sous-estime. Mes grands parents emboîtèrent le pas de l'exode paysan de la fin du XIXe siècle pour tenter leur chance en ville. Contrairement à son frère et à sa sœur, mon père échappa à la condition de son milieu par le biais de l’éducation secondaire, chanceux petit dernier. Il ne devait jamais plus regarder en arrière et il afficha sa vie durant une attitude distante vis-à-vis du monde ouvrier. Mon choix l'avait déçu, il devait lui apparaître comme une défaite, une débâcle, une capitulation. Il va sans dire que papa accueillit ma décision de façon frileuse, quand, fanfaron, j’annonçais ma trouvaille.

– Quelle mouche t'as donc piquée, imbécile ? Tu t'imagines te glisser comme ça dans la peau d'un prolétaire ? Il y a des règles, un langage, une culture propre à ce monde là ! Tu n'en fais pas parti, tu n'y connais rien, tu n'es pas l'un d'entre eux. Tu ne le seras jamais crétin ! Il m’asséna cette sentence d'un ton glacial.

Maintenant que j'ai du recul, il me faut bien admettre que je trouve un fond de vérité à son amertume. Avec mon éducation de petit-bourgeois, ignorant des autres et qui n'avait jamais rien fait de ses dix doigts, je prétendais tout simplement m'approprier de l'existence, des croyances et des douleurs d'une caste que je ne comprenais pas, dont les conventions m'importaient peu. La fibre colonisatrice et irrespectueuse cultivée durant des siècles par la civilisation de mes pères se réveillait en moi. Dans le fond, je me montrais pareil aux hommes de ma race, qui tout bonnement s’imaginèrent violer sans déshonneur le reste du monde et la Lune – Veni, Vidi, Vici. Moi qui manquais gravement aux mœurs de mon milieu, voilà que j’ambitionnais de piétiner celles des autres.

Antoine me devança jusqu'à l'atelier où il occupait – seul – l'un des six établis alignés le long des murs. Il débutait sa seconde année d'apprentissage et avait donc quelques bonnes longueurs d'avance et travaillait d'ores et déjà aux préliminaires de son ouvrage d'adoption. À coup sûr je me serais satisfait d'Antoine dans un rôle de pygmalion, si seulement un malaise ne s’était installé entre nous.

– Six heures et demie ! C'est trop tôt ! Tu embauches à cette heure là toi ?

– Non, à huit heures.

– Il va falloir que je me lève à quelle heure moi ?

– Le bus passe à cinq heures trente huit.

– Tu te plais ici ?

– Oui.

– On doit venir à l'atelier tous les jours ?

– Oui.

– On peut fumer ? Je demandais en tirant un paquet de cigarettes de ma poche.

– Non, pas dans les ateliers.

– Purée, la taule ! Bon je le prends où ce bus ?

– Au coin de la Rue Tissot, en sortant à droite au bout de la rue. Il faut prendre le 47 pour la gare de Perrache. Ensuite métro ligne 4 jusqu'à Guillotière. En sortant tu prends la rue Paul Bert en face et puis première à gauche et première à droite, t'es arrivé. Quelle tirade il avait fait là !

Nos relations ne s’amélioreront jamais. Si je ne trouvais pas la note juste avec Antoine, je ne la trouvais pas non plus avec les autres. Les apprentis suivant l'exemple de leurs aînés, perpétuaient un esprit corporatif franchement sectaire. Les couvreurs avec les couvreurs, les menuisiers avec les menuisiers et ainsi de suite... La paire de cordonniers que nous formions se devait d'exister en vase clos et nous manquions bigrement de complicité, ce qui n'arrangeait rien. Je ne comprenais pas qu'Antoine se montra réfractaire à ma personne. Préoccupé comme je l'étais de moi-même, j'attendais qu'il fasse un effort de sympathie à mon égard, si seulement pour former une alliance face aux quolibets qui nous accueillaient dans la salle commune –  Les amoureux, on vous pendra – Guignol et Gendarme[6] – Les tordus – Les moignons – Gauche droite - Droite gauche. En y réfléchissant je réalise maintenant que je devais lui apparaître dangereux, licencieux voir malsain. Il se peut même qu'il ait succombé à la jalousie de l'enfant unique qui sent sa place lui échapper alors qu'il ne s'agit en fait que de la partager. Peut-être enviait-il mon embauche chez Monsieur Gervais, j'apprendrais plus tard que la place lui avait échappée au début de son apprentissage. Je le jugeais ringard et vaniteux alors que les apparences le traitaient injustement. Il enfila son tablier en silence, s’assit à l'établi et après avoir déballé son ouvrage qu'il gardait enroulé dans un chiffon propre, il se mit au travail. Je profitais de ce qu'il ne s’intéressait pas à moi pour m’intéresser à lui.

Antoine était plutôt grand, en tout cas plus grand que moi, il avait la charpente solide, le corps nerveux. Son coup prenait racines dans des épaules puissantes légèrement voûtées. Il adoptait déjà, sur le tabouret, la posture ramassée quasi bossue du cordonnier. Ses doigts gris et tailladés témoignaient de son habitude à manipuler la semence  les pointes et les objets tranchants. Il avait la dentition revêche, les yeux remontant vers les tempes et le visage fermé – du moins en ce qui me concernait – sa tignasse courte laissait bourgeonner des oreilles décollées. Cependant Antoine n'avait rien d'antipathique, bien au contraire. Je l'ai vu fraterniser aisément avec des apprentis dans d'autres corps de métier alors que la coutume demeurait contraire au mélange des confréries. Son aisance diplomatique restera pour moi, une prouesse impensable, irréalisable. De jour en jour je sombrais dans un isolement qui faisait naturellement écho à mon enfermement de camé et vis-à-vis duquel j'affectais l'indifférence. À ce propos, mon séjour chez les Compagnons se marqua par une diminution aiguë de ma consommation de narcotique. Le cadre de vie, la Règle, la routine et l'éloignement de mes fréquentations parisiennes tout conspirait à un apaisement de mon appétit stupéfiant. En prime le prolétariat qui se montre généralement libéral envers la boisson, considère répréhensible l'usage des drogues. Étant donné mes aptitudes à l’addiction, je n'ai heureusement jamais succombé à l'abus d'alcool et je restais sagement à l'écart des furieuses bitures du samedi soir. Du reste je trouverais bientôt dans Lyon le moyen de m’approvisionner en haschisch de qualité supérieure. Néanmoins ma consommation quotidienne dégringola d'une trentaine de pétards à trois ou quatre repartis stratégiquement sur la journée. Je m'abstenais totalement de toutes les autres drogues à l'exception du tabac, du café et du sucre. Cette courte année Lyonnaise restera gravée dans mon souvenir comme celle de la pondération et de la régénération. La suite établira que je n'avais en réalité fait que reculer pour mieux sauter, mais cela devrait faire le sujet d'une autre histoire. Notre Mère ainsi que Monsieur Gervais n'ont jamais indiqué le moindre doute quant à mes chances de longévité au sein du Compagnonnage. J'attribue cette délicatesse à leur tolérance et à leur maturité qui visaient à croire aux promesses d'une métamorphose possible en se gardant de passer des jugements hâtifs et définitifs. Le Compagnonnage souvent taxé de fixité et d'immobilisme a su donner une vraie chance au petit gars paumé que j’étais. La rencontre hasardée avec les Compagnons du Devoir, par un après-midi ensoleillé à Paris, changea ma vie. Si l'affiliation s’avérera de courte durée, j'ai, parmi ces hommes francs et dignes, connecté aux valeurs essentielles qui me guident encore aujourd'hui et qui continuent de m'apporter soutien et repères.

Une cloche sonna la fin de l’étude et déclencha le brouhaha d'avant le dîner. Les jeunes gens se devaient de mettre à profit la demi-heure dont ils disposaient. Certains montaient vers les chambres et les douches. D'autre se rendaient au mess pour une partie impromptue. D'autres encore franchissaient empressés le porche pour faire une course dans le quartier. Moi je battais la semelle aux abords de la salle commune où j'observais ceux que je ne voyais déjà plus comme des congénères, mais qui par aphorisme devenaient des chaudronniers, des ébénistes ou des pâtissiers. Au bout d'une demi-heure d'une agitation qui rappelait singulièrement celle d'une cour de recréation, on se rendit à la salle à manger par petits groupes. Antoine ayant disparu au son de la cloche, je découvrais ce premier soir le réfectoire en solitaire. La pièce forçait l'admiration : les grandes tables avec leurs bancs de bois massif, les lambris d'appui, les carrelages, les boiseries sculptées du plafond et les luminaires, tous témoignait éloquemment du savoir-faire des Compagnons. Durant le dîner se déroula un ballet étrange. Certains des pensionnaires sans ordre ni raison allaient déposer de l'argent dans un tronc situé juste en dessous des armoiries. J'observais ce manège qui m'intrigua suffisamment pour que je me risque à questionner mon voisin de table. Celui-ci daigna me répondre brièvement du bout des lèvres cependant que ses yeux m'ignoraient royalement : « L'amende, il faut payer l'amende, une grossièreté cinq francs, un juron dix francs, une dispute cinquante francs. » Ainsi donc il n'y avait  dans la Règle, aucune trace de l'obligation la plus ordinaire et la plus convenue au quotidien de la Cayenne. Le décret qui donne le ton se manifestant d'instinct, édifiant le miroir qui reflète les peurs et les croyances individuelles conjuguées au collectif. Après le dîner j'ai fais le tour du pâté de maison en fumant mon pétard. Je me glissais ensuite entre les draps, appréhensif de mon lendemain, le premier jour de turbin.

On me secouait rudement : « Cinq heure, debout ! » Notre Mère, prévoyante et attentionnée, avait chargé l'un des garçons du dortoir de mon réveil. De la lumière filtrait par derrière la porte du couloir. Ma tête retomba sur l'oreiller et j'engageais la lute désespérément vaine contre l'appel du coma. Alors que je sombrais la brute frappa à nouveau en m’envoyant un gnon violent entre les côtes. Maintenant j'étais réveillé ! Je filais un coup d’œil à ma montre, cinq heure vingt ! Merde ! Je sautais du lit, je sautais dans mes fringues, je sautais dans le couloir. Une pause pipi et trois aspergées d'eau au visage avant de me jeter dans les escaliers. En bas, on besognait déjà aux travaux d'adoption, je m’élançais passant devant des portes éclairés. Dans la rue il caillait, une brume en haillon flottait sur le quartier. Je cavalais jusqu’à l’arrêt de bus. Je découvrais qu'à l'aube dans l’air détrempé de  Lyon, il fait salement froid. Seul, grelottant, sous l’abri désert j'allumais ma première clope en aspirant avec délice la calée du matin, celle qui signe l'arrêt de mort pour le reste de la journée. Des phares auréolés percèrent le voile... 47... en un instant le bus fut sur moi et je pus lire Perrache au pavillon. Je fis in-extremis un signe au chauffeur et montant au vol j'échappais à la Sibérie pour un moment.

Au sortir de la bouche du métro la nuit électrique de la cité s'animait de tous ceux qui comme moi, les poings au fond des poches, la tête dans les épaules se hâtaient vers le tapin mais surtout vers le chauffage central. Je tirais un petit joint de ma poche – camé ne veux pas dire désorganisé, loin de là. J’allumais avant de traverser le boulevard en me remémorant les directives d'Antoine ; en face, première à gauche, première à droite. J'avais trois ou quatre minute de marche le long des trottoirs aux boutiques grillagées, impeccable juste ce qu'il faut pour ma fumette. Voilà, j'y suis, rue Saint Jacques. À ma montre j'avais un bon quart d'heure d'avance. Je rentrais Chez Lucette, le bistro du coin, café noir, tartines blanches beurre blanc. Stoned sur la moleskine des banquettes, j'assistais au défilé des poivrots : « Bonjour Bastien, un serré arrosé, un petit calva, un demi, au revoir Bastien à demain... » Au suivant ! Moi qui à cette heure-là avais la cervelle à moitié cramée, je devisais en moi-même sur la misère humaine – on croit rêver !

Six heure trente, à la façade du 95 une enseigne un peu défraîchie annonçait en lettres bleues sur fond blanc, 'Gervais Orthopédie'. Je poussais la porte – Ding-Dong. La boutique était déserte, mais alerté par le carillon, le patron apparu bientôt fendant la tenture suspendue en bout de comptoir.

– Bonjour jeune !

– Bonjour mon...heu... patron. Il me précéda dans l’arrière boutique qui abritait l'atelier des réparations. La pièce s'ouvrait sur la cour intérieure d'un immeuble par le mur opposé, habillé de verre du sol au plafond. Durant la journée l'atelier recevait une lumière abondante et diffuse qui donnait à l'endroit l'atmosphère d'un studio d'artiste. À gauche le bureau de Monsieur Gervais qui faisait double emploi servant aussi de salon d'essayage pour les pieds les plus biscornus. Divisant l'atelier par le milieu deux établis de bois usagé se faisaient face. Le patron me désigna le plus proche, celui qui tournait le dos à la porte de son bureau.

– Voici ta place, Roger notre réparateur s'assied en face de toi. Il embauche à huit heure avec les autres. Il y a un atelier de fabrication, de l'autre côté de la cour, Jean-Pierre et Guillaume y travaillent. Madame Gervais s'occupe de la boutique et de la comptabilité. Chaque matin nous passeront en revue le travail de la veille et je te montrerais la technique sur laquelle tu travailleras, ici et à l’étude. Sauf le vendredi quand tu donneras un coup de main à la fabrication, mais je te laisse la surprise. Tu embauche plus tôt que les autres par conséquent tu débaucheras à quinze heure trente. D'accord ?

– Oui patron !

Commença alors l'interminable cortège de mes jours d'apprenti cordonnier. Chaque journée s’emboîtant parfaitement dans la précédente et offrant le réceptacle précis de la suivante. Cette enfilade monotone ne se prêtait guère aux rencontres ni aux coups de théâtre. Ma vie Lyonnaise, n'aura pas imprévu, pas de fantaisie, peu d'enthousiasme. Un chapelet de pensums qui pesait du poids des obligations et des corvées, même si je les avais choisies de mon plein gré. Pour ignorer la perspective désastreuse d'un avenir auquel sans doute je ne m'accorderais jamais, j'adoptais la politique de l'autruche. J'étouffais mon ressenti, je bâillonnais mon intuition, je voulais tout simplement ne pas le savoir. Vaille que vaille je m'astreignais à une routine assommante. J'avais acheté une bonne conduite et le génie du plan consistait à tenir bon. En mordant sur ma chique le temps qu'il faudrait, j’émergerais sur l'autre rive, réformé, valeureux, sain et équilibré, un jeune homme bien sous tous rapports. Mais il est de ces erreurs que l'on pousse trop loin et qui pour se corriger ont besoin de plus que de l'action du temps, elles nécessitent de la présence, du cœur et une étincelle de conscience. En vérité, je cherchais l'amour et ne sachant pas encore qu'il s'agit de l'accueillir et de le cultiver en moi-même j'y substituais un calcul basé sur des valeurs envers lesquelles je manquais de sincérité. Civisme, mérite et obéissance donnant le change d'une vertu dont je m'acquittais pour prix de la chimère que je prenais pour de la considération. Quand même, quels boniments aberrants n'arrivent-on pas à se faire avaler ! Toutefois il semble que j'ai bénéficié de la protection des cieux pour n'avoir pas, dans l'état d'abandon psychologique où je me trouvais, rencontrer l'une de ces phalanges qui font des ravages auprès de la jeunesse désabusée en comblant le vide affectif par des promesses de grandeur partagée. Qui sait, si mes choix d'allégeances s’étaient avérés plus radicaux je porterais peut-être aujourd'hui l'habit pourpre des sannyasins tout en arborant tatoué à mon front, l'aigle impérial enserrant une croix gammé. Mais la fortune des innocents me souriait et je reçu chez les Compagnons – de la part de Monsieur Gervais en particulier – une grosse grosse dose de bienveillance. Merci patron ! Chaque jour il m'accueillait radieux « Bonjour jeune ! », à croire que ça lui faisait plaisir de me voir. J'enfilais mon tablier et il se penchait sur moi qui empestais le cendrier froid avec gentillesse et dévouement. Tranquillement il entreprenait de partager avec moi l'amour de son métier. Et quant bien même la pratique des travaux manuels ne faisait pas parti de mon bagage, je donnais le meilleur de moi-même ne voulant pas tromper celui que j'avais décidé de substituer à mon père. Le patron m'apprit des quantités de choses merveilleuses qui ne m'auront jamais servi à rien. Affûter les tranchets, manier la pince à monter, tenir les marteaux – à clouer, à battre ou Louis XV. Actionner l'emporte pièce, choisir une soie de sanglier, torsader et poisser un fil de couture, aiguiser les alênes et surtout apprendre à m'en méfier, nettoyer le bac à colle, utiliser la baleine, enfiler la sangle de tenue, planter la semence, la cueillir à ma bouche sans me mordre les lèvres. En quelques mois j'avais fait le tour des techniques nécessaires au montage d'une paire de chaussure.

Et voilà qu'un vendredi en fin de journée un pot d'honneur se préparait au complet avec cidre et petit fours. Le patron annonça sans cérémonie : « Le jeune peux monter une paire de souliers. Lundi je le mets à la fabrication. Je vous demande à tous de l'aider dans son travail. » Joyeusement l'assemblée claironna en chœur « Oui patron ! » Même Madame Gervais que pourtant on ne voyait jamais. Le torse bombé de la gloire des premiers de la classe j'avais l'orgueil à la hausse. Ce soir là je fumais un joint supplémentaire pour fêter ça. Le lundi suivant revêtu d'un tablier neuf, je pris avec fierté ma place à l’établi. Le patron derrière un visage grave déclara :

– Jeune, aujourd'hui tu commences ta première paire de chaussures. Tu vas la faire à ton pied, selon tes goûts. Pour l'heure décides du style, et dessines un croquis de tes chaussures idéales.

– Oui patron ! Merci patron ! Il me fit déchausser pour tracer sur du papier brun l'empreinte de mes pieds en position assise et position debout. Muni d'un mètre de couturière il nota sur la feuille des dimensions : la hauteur du coup de pied, la longueur de l'arche, la position de la pliure, l'envergure des orteils, et d'autres mesures qui serviraient pour faire des formes en bois correspondantes à mes panards.

Je fixais mon choix sur une paire de godillots classiques à bouts ronds, montant jusqu'aux chevilles et lacés sur le devant. Je sélectionnais une peau huilée couleur cacao un peu rigide au montage mais qui demanderai peu d’entretien. Il me fallu un bon mois pour arriver au bout de mon affaire. J'y mis tout mon cœur, toute mon attention, toutes mes meilleures intentions. Je défaisais et recommençais, cherchant à corriger, à améliorer. Il fallu remplacer l'une des tiges que j'avais balafrée d'un coup de tranchet impardonnable. Le patron ne moufetait pas malgré le gaspillage, au contraire il trouvait  toujours des mots encourageants. J'ai sué, sur ce travail que j'ai voulu parfait. En approchant du but je me félicitais d'une tâche menée à bien avec brio ; en définitive tout cela n'avait rien de sorcier. Finalement le grand jour arriva. Un pot d'honneur s'organisa au complet avec cidre et petit fours. Devant tous les employés rassemblés je pressentais crânement mon travail à Monsieur Gervais. Le patron examina les brodequins un par un avec sérieux. Suspendus en silence nous attendions tous son verdict. Il les tourna, les retourna, étudia les perspectives, les zieuta dans tous les sens, les palpa, les soupesa, glissa une main à l’intérieur en exploration, enfin il me les tendit en disant :

– Bien jeune, très bien ! Passes les donc un peu pour voir.

Assis sur mon tabouret au milieu des admirateurs, j'enfilais le fruit du labeur de mes mains. Je me levais pour en admirer l'effet à mes pieds. Vaniteux je fis trois pas dans le cercle et, là je me mis à chanter par devers moi – Aie... Ouille, ouille... Arrgg... Aie... Ouch... Des pointes dépassaient, les bouts durs  blessaient le talon, cisaillaient les orteils, la semelle intérieure trop étroite écrasait la plante du pied, les tiges montées tendues à l’excès cassaient à la pliure, les talons exagérément hauts gênaient à la marche. Je faisais bonne figure essayant de dissimuler mon calvaire. Les autres, pas dupes, se tenaient les côtes, même Madame Gervais que pourtant on ne voyait jamais.

Je me souviens de l'air goguenard de Monsieur Gervais, Compagnon du Devoir, quand j’essayais la paire de souliers confectionnée de mes mains qu'à l’évidence je ne porterais jamais.



[1]    Service des admissions.

[2]    Aussi appelé 'les trois jours'. Les jeunes français entre l'age de dix huit et vingt cinq ans devaient servir dix huit mois sous les drapeaux. Le conseil de révision servait à déterminé dans quelle arme et dans quel corps d’armée les jeunes recrues seraient incorporés Nombreux furent ceux qui essayèrent de si soustraire en cherchant a se faire 'réformer' utilisant à ces fins des subterfuges plus ou moins habiles. Heureusement pour moi mon état de délabrement moral et physique donnait l'accent de la sincérité à mon comportement et à mes paroles intentionnellement exagérés.

[3]    P4 : Code le plus élevé dans la catégorie Psychiatrie – niveau quatre – les irrécupérables quoi.

[4]    BHV – Bazar de l’Hôtel de Ville – grand magasin parisien étrangement positionne à proximité de l’Hôtel de Ville

[5]    Dans tous les édifices de la religion catholique l'objet du culte demeure universellement un pauvre hère cloué sur une croix. Cette symbolique sado-maso depuis mon jeune age n'a eu de cesse de me fasciner et de m’intriguer. Une foule en extase adorant l'un d'entre eux livré à des douleurs atroces, lentes et barbares. Nous ne parlerons pas ici de l'Eucharistie – manger ceci est mon corps, buvez ceci est mon sang – bande de cannibales !

[6]    Théâtre de marionnettes proposant des spectacles pour enfants créé à Lyon au début du XIXe sciecle. Guignol est le personnage principal d'aventures satiriques politico-sociales qui l'opposent à Gendarme et à son bâton.

Deuxième souvenir :Je me souviens de notre première partie d’échec...

J'ai vingt deux ans et je suis un mort vivant.

Épave échouée sur la banquette d'un autocar je voyage sur une trajectoire en collision directe avec le destin. J'ai le front appuyé au carreau, les yeux dans le vide, la cervelle cramée, abrutie, en suspens. Aux creux de mes coudes des rails sinistres d'un verdâtre violacé attestent de la folie qui me consume. Il n'y a plus de volonté, de morale ou de scrupules, ni même d'amour propre qui puissent désormais me rattacher à cette existence qu'il m'agrée d'abolir jour après jour. Seules les douleurs sourdes des perforations les plus fraîches ancrent désormais ma conscience à un corps épuisé qui depuis longtemps a cessé de m’appartenir. Macchabée respirant, cadavre pensant, je cahote vers l'inéluctable, vers un choix vital auquel je me refuse obstinément. À la vie ? À la mort ? Destination purgatoire, somme toute un progrès formidable pour moi qui vis en enfer. Dans les collines la Provence chante, moi je m'en fous. L'air argenté scintille, moi je m'en fous. Le soleil radieux domine, moi je m'en fous. La vie triomphe...et moi, je m'en fous.

D'entre tous les actes de Dieu, j'ai dû mon salut à une tempête de grêle. Une calamité qui aura eu à mon égard, des suites bien au delà de l’occasionnelle voiture cabossée ou de la malencontreuse verrière brisée. L'adversité, travestie dans la voix de mon frère Pierre, blotti dans le cornet du téléphone m'aura prise pour jouet.

– Frérot ! Tu viens ramasser les cerises, avec nous demain ? Le proprio me donne la récolte du champs derrière la maison. Il faut faire vite, abîmées par la grêle elles ne tiendront pas longtemps. Après on fera des confitures et des clafoutis. Tu dormiras à la maison si tu veux.

– Heu... Ouais... OK pourquoi pas?

– Prends le car de onze heures, je t'attendrais au Puy.

– D'accord. Je concluais à la hâte.

Le Puy Sainte Réparade, l'autocar s’immobilisa d'un chuintement ferrailleux sur une place entourée de platanes. Pierre m'attendait appuyé au capot de sa voiture,  juste à coté du jeu de pétanque.

– Salut frérot ! Ben dis donc t'as une gueule de déterré toi ! Faut sortir de ton trou de temps en temps.

– Ouais, ouais, ça va.

– En voiture ! Et roulez jeunesse ! Sa bonne humeur forcée m'exaspérait, moi je le questionnais anxieux.

– Y'aura du monde ?

– Une douzaine avec toi et en comptant les trois copines d'Annie. J'attends aussi Amor avec la cousine de Jacquot. Tu les connais ?

– Non.

– Amor vit à Fontcolombe, un domaine viticole tout près. Il m'a filé un sacré coup de main lors de mon installation à la Mazouillette. Jo vient de Belgique, elle voyage beaucoup surtout pour les travaux saisonniers. Elle tire les cartes et lit dans les astres, une vraie romanichelle.

– Jolie ? Je demandais d'un ton calculé qui se voulait désinvolte.

– Heu... Oui plutôt... Je sais pas... Tu verras bien. Eus-ai-je vécu un peu plus alerte, un peu plus réveillé, le sourire narquois de mon frère à ces mots combiné au descriptif étrange qu'il venait de faire de cette fille, auraient pu me mettre la puce à l'oreille. Mais je vivais en état d'apnée cérébrale, d'atrophie de l'intuition.

Pierre habitait, La Mazouillette, une maison ancienne un peu délabrée à proximité du village. Je ne lui avais encore jamais rendu visite en ce lieu et j'ignorais les détails de son quotidien. Je savais juste qu'il vivait une relation avec Annie de douze ans sa cadette, une étudiante aux Beau-Arts un peu plus jeune que moi. Au détour d'une allée inégale nous débouchâmes devant l'habitation, le gravier se mit à protester sous les roues. Un attroupement de gens que je ne connaissais pas se tenait dans la cour. En descendant de la voiture, mon regard s’aguicha immédiatement d'une nénette à la chevelure rousse coiffée en deux grosses tresses épaisses et qui fleurait bon le prix d’excellence. Je pris soudain la mesure de mes fringues défraîchis, de mes yeux cernés et de ma gueule mouchetée d’une acné que je grattouillais et qui ne guérissait pas. Je lui souriais chichement, elle me snoba évidemment.

Pierre se glissait maintenant dans le rôle du chef scout motivant ses troupes et se mit à brailler.

– Allons y ! Attrapez les seaux et les paniers et suivez moi !

La smala s'organisa et se mit en route. Pierre marchait devant en conversation avec une jeune fille discrète. Thierry et Marie, main dans la main, emboîtaient le pas en amoureux. Suivaient Annie et ses copines, enflammées des torsades cuivrées de Fifi Brindacier. Par derrière chahutaient quatre gars bruyants fébriles de la présence des filles. Ténébreux, je fermais la marche un peu en retrait. Au delà du coin de la grange, à l’arrière de la maison, nous débouchâmes dans un verger qui comptait une quinzaine de cerisiers lourds de fruits mûrs bien que la grêle en ait éparpillé des quantités au sol. Aussitôt fût-on arrivés au pied des arbres que la cueillette s'organisa. Naturellement les groupes déjà formés s’établirent en équipes, qui choisissait chacune leur emplacement. Moi, je rodais, espérant une invitation qui ne venait pas. Aveuglé de convoitise, je rejoignis les minettes motivé par une prétention aussi futile que nigaude au prix d'excellence. L’atmosphère grésilla quand j’apparus. Les œillades et les sous entendus eurent tôt fait de m'indiquer que j’étais indésirable. Je sentais s'amasser sous la frondaison un orage de sarcasmes et d'humiliations fomenté par la descendance de Rackham le Rouge. Je ramassai mon panier et je battais en retraite avant que l’hostilité ne se mua en attaques brûlantes. Mon regard fit un tour d'horizon à la recherche d'une compagnie plus engageante. Thierry et Marie à l’écart du reste s'occupaient plus de papouilles que de cueillette, on aurait cru voir le carton – NE PAS DÉRANGER – suspendu aux branches et moi je n'ai jamais eu vocation de souffleur de chandelle. Plus proches les quatre gaillards, amas de stéroïdes querelleur, me filaient les jetons. Je me sentais incapable de trouver ma place au sein de cette cohorte de machos endurcis, j'optais pour garder mes distances. Au bout du compte restait l'arbre où mon bout-en-train de frère monologuait avec son amie. Je m'approchais prudemment en catimini. Ma venue passa inaperçue, semblait-il ; aucune réaction de la part de Pierre tout à son histoire, pas de réaction chez elle non plus. Circonspect et peu enthousiaste, j'attaquais la récolte. Tout en grappillant je glissais des regards à la dérobée vers la frangine. Le teint mat, les cheveux châtain clair en queue de cheval et des yeux noisette arrondis, elle devait avoir mon âge peut-être un peu plus ou un peu moins, difficile à dire. Son corps, musclé et svelte, rayonnait santé et vitalité. Sa pensée en revanche semblait occupée ailleurs, vers des sphères profondément intimes. Sa mise était simple, sans chiqué ; elle portait une paire de jeans, un marcel blanc et des sandales en lanières de cuir à la romaine. Elle travaillait vite et bien, je la vis remplir un seau à ras-bord cependant qu'au fond de mon panier roulaient quelques poignées de cerises à peine. Les mots de Pierre me revinrent en mémoire « Elle voyage beaucoup surtout pour les travaux saisonniers » C’était donc elle la fameuse romanichelle qui lisait dans les cartes et qui sondait les coulisses du cosmos ! Hum... Je la considérais maintenant avec d'autres yeux. Évidement elle ne réveillait en rien mes fantasmes d'adolescent. Manifestement elle n’abhorrait aucun des artifices destinés à aiguillonner l'instinct des matous et dont se paraient les pimbêches. En y regardant à deux fois, je comprenais maintenant les attributs qui la distinguaient des autres ; le physique énergique, les yeux profonds, le regard droit, les manières réservées et une dégaine au naturel. Son aura d'ardente pénétration empreinte de modestie farouche venait compléter sa sobriété corporelle ce qui lui conférait des charmes atypiques mais vrais. Elle faisait peu cas d’elle-même et montrait zéro inclination à se faire valoir, rendant rarissime les indices pour mieux la deviner. L’indéniable discrétion et l'intensité qui marquaient sa présence me renvoyaient à un  imaginaire d'ascétisme, d'intelligence subtile et de force intérieure. En un mot je la trouvais intrigante.

Pierre s’éloigna pour rassembler le butin des travailleurs. Sous l'arbre l'embarras s'installait entre nous. Il fallait le neutraliser d'urgence :

– Tu t'appelles comment ?

– Jo. Fit-elle aussi brève que son prénom.

– Tu connais mon frère depuis longtemps ?

– Je suis la cousine de Jacquot, alors Pierre, je le connaîs depuis un moment. J'habite à Fontcolombe avec Amor. On se voit souvent. On entretient des rapports de bon voisinage.

– Ha ! Jacquot un vieux pote... Et je retombais platement dans la mollesse de mon cerveau embrumé, de mon imagination ankylosée.

Les minutes s’égrainaient silencieuses et moi je me faisais des films : Elle doit me trouver con... Elle vit avec Amor... Elle a quand même pas l'air commode... Elle me trouve moche... Elle est pas causante, je l’intéresse pas... Oh et puis merde ! Je laisse tomber ! Découragé par son acharnement au travail, j'abandonnais là ma piètre tentative de cueillette ; moi qui m’enorgueillissais de mon allergie pour le travail honnête, on ne m'y prendrait pas aujourd'hui ! Je me trouvais un arbre à distance, m’adossais à son pied tournant le dos au monde, et j'entrepris de me rouler un joint histoire de bien me convaincre de la vie épatante que je menais.

Plus tard, en sortant de la torpeur, je constatais que le champ était vide, le travail achevé les autres avaient dû rentrés à la Mazouillette. Mon réveil fut pâteux et douloureux. Quand on émerge du cirage, en fin d'après midi, englouti dans une fièvre hallucinée qui contracte le ventre d'un nœud douloureux ; quand chaque fibre du corps hurle « Assez ! Par pitié ! De grâce ! », quand l'amertume du poison s'installe au fond de la bouche sans y être invitée, il n'y a dans le manuel du petit toxico qu'un seul recours possible. J'attrapais ma musette et j'étalais dans l'herbe la panoplie complète de l'héroïnomane ordinaire. Un flacon à pipette remplie d'eau, une petite cuillère au manche tordu pour qu'elle repose bouche à l'horizontale, un peu d'ouate dans une pochette à glissière, un Opinel taille bébé, une seringue intraveineuse, une bande de caoutchouc, un briquet et bien sûr l'emballage plié en enveloppe qui recelait la came. Dans la douceur du soir naissant, assis dans un champ de cerisiers qui embaumait la lavande et assourdi du cri-cri rythmé des grillons, je n'avais qu'un seul désir, qu'une seule destination, qu'une seule raison, j'aspirais tout bonnement à l'abrutissement, à l'abandon, au crétinisme.

Je commençais par filer un grand coup de langue dans la cuillère pour en nettoyer le résidu des brouillaminis passés. Mes mâchoires grinçantes d’anxiété trouvèrent là un peu de répit, l'avant-goût rassurait le corps quant à l'imminence d'une injection. Les nerfs s'assagirent et je me mis d'urgence à ma popote. Je déposai une pointe de poudre blanche au fond de la cuillère. Pas trop, c’était un apaisement du malaise que je cherchais, pas un ticket en aller simple vers l'hébétude baveuse et nauséeuse deux à trois heures durant. Même si ma mentalité d'empoisonneur m'y aurait aisément incitée, les circonstances ne s'y prêtaient pas et je n'avais nullement l'intention de donner mon asservissement en spectacle. Je dissolvais la charge en y ajoutant un peu d'eau. Précautionneusement j'appliquais la flamme du briquet au bombé de la cuillère pour réduire le mélange. Je touillais avec la lame du canif et pour finir je déposais une petite boule d'ouate dans la mixture chaude. Je plaçais l'aiguille sur le coton afin de filtrer le cocktail que j'aspirai dans la seringue. Je capuchonnai le dard et délicatement je déposai le pistolet dans l'herbe. Mes mains étaient moites et mes os sourdaient d'impatience, mais il me fallait d'abords disposer de l'équipement avant de pousser le philtre dans mes veines. Je savais que je n'aurais bientôt plus loisir à faire du rangement. Dés l'injection achevée la drogue submergerait dans l'instant mon corps d'un tsunami aphrodisiaque irrésistible. Je consentirai alors, pour quelques instants d'ivresse, à une rémission complète et sans condition de mes sens et de ma chair. Ensuite viendrait la chute, lente, très lente, inexorable, délicieuse. Ma carcasse pénétrée d'une langueur toxique, flotterait captive dans un demi-monde liquoreux, rembourré, savoureux. Incapable du moindre mouvement je m’abîmerais, captif, aux fantasmes projetés sur l’écran de mes paupières closes par un mental mensonger. Un drogué, trouvé sous un cerisier en pleine transe narcotique avec son bardas éparpillé par devers lui, ça fait désordre. On peut être fier de sa réputation de mauvais garçon sans pour autant perdre le sens du décorum !

Je décapuchonnai, et de la phalange d'extrémité du majeur qui prenait appui sur le pouce pour faire ressort, je tapotais le corps de la seringue collectant ainsi vers la base de l'aiguille les bulles d'air mêlées au liquide. Je pressai doucement le piston jusqu'à ce qu'une goutte perle à la cannelure de la flèche chassant de cette façon le souffle criminel tapi dans la sarbacane Tel Rambo, posté en guet-apens le poignard entre les dents, je protégeais l'aiguille dénudée en plaçant la seringue au travers de ma bouche. Je sanglai mon biceps d'un garrot étroit, le flot du sang se ralentit, la pression monta dans les artères. Je pris la seringue à mes lèvres, m'en saisissant comme je tiendrais un stylo – était-ce mon épitaphe que je m’apprêtais à écrire..?  Je mordais sur l'extrémité du caoutchouc de façon à pouvoir relâcher l'emprise de la ligature d'un mouvement de la tête. Je serrai et desserrai mon poing énergiquement espérant ainsi mieux faire saillir les veines – soit dit en passant qu'avec des veines aussi nulles j'aurais pu me choisir un autre hobby, je ne sais pas moi, faire du Meccano ou collectionner les cartes postale du bord de mer ; mais ça tournait à la boucherie avec ces vaisseaux imprécis qui se faisaient désirés – Finalement j’étais prêt. Le bras tendu, l’intérieur du coude tourné vers le ciel, je palpais la chair tendre à la recherche d'une veine aimable qui s'annoncerait d'un roulis caractérisé sous mes doigts. Voilà j'en tenais une, du moins je le croyais... J’employais maintenant la seringue comme je l'aurais fait d'une aiguille à coudre. L’instrument bien à plat sur l'avant bras, l'aiguillon dirigé vers l’épaule, le mouvement se voulait délicat et franc à la fois. Je poussais un point de reprise – ça rentre comme dans du beurre – je guettais au bout de l'aiguille la petite résistance vaincue qui indiquerait une perforation heureuse. Rien... J’enfonçais derechef juste à côté... rien. Il fallait impérativement rester calme, ne pas laisser l'impatience compliquer les choses. Il m'est arrivé de devoir percer cinq ou six fois pour la trouver cette saloperie de veine. Plus moyen de reculer, de toute façon, le corps n'attendrait pas, il s'y refusait tout entier, qui se transissait de frissons glacés à l'idée de surseoir à l’exécution. Respirer profondément et surtout pas de bousculade même si le garrot commençait à m'incommoder. Troisième tentative, j’aiguillonnais bien dans l'alignement de l'ombre bleutée sous la peau blanche...tac...gagné ! La voilà la petite chérie, je la tenais enfin. Je tirai pianissimo sur le piston. Un nuage de sang envahit l’intérieur du tube, tout allait bien. D'un mouvement de la tête je me libérais du garrot. Graduellement, tout doucement j'inoculais le poison. Je retirais l'aiguille, repliais mon bras sur un flocon d'ouate... Crac, Boum Cavalcade ! La tête roula vers l'arrière, le corps étourdi se relâchait totalement, les paupières se baissèrent sur des yeux révulsés. Une vague chaude, lourde, radieuse m'envahissait, j'en augmentais les effets en m'y abandonnant totalement, en m'y noyant avec délice. Prisonnier de la marée, esclave du roulis, je n'opposais aucune résistance, aucune volonté, aucune présence. Bouillant d'un orgasme éperdu qui n'a de cesse de culminer, j’entamai l'escalade inversée vers le septième sous-sol. J'avais véritablement le diable au corps.

Les toxicomanes adopteront peut-être une vision plus romantisée de leur péché mignon, mais il faut bien admettre que la dépendance demeure en soit un trait de caractère avilissant. Le drogué comme le voleur, l'assassin ou le violeur donnent à leur raison les justifications de leurs agissements coupables. Mais à quoi cela les conduit-il sinon à un enfermement et à une solitude qu'ils créent pour eux-mêmes. Toutefois qu'il soit question de nos petits travers ou de nos grands délires, les cas de consciences restent identiques. À l'heure de renoncer aux enchaînements et aux conditionnements il faudra plus que du calcul, du courage ou de la volonté ; il faudra une conviction fervente et sans indulgence que l'honnêteté vis à vis de soi-même devient la marche à suivre, qu'elle s'impose comme la réponse juste. Surtout il conviendra de se soumettre aux commandements de l'amour, d'astreindre le mental et le corps à l'intelligence du cœur, de s’inféoder à l'empire de la foi. On prendra alors la véritable mesure des personnes, celles qui feront le pas d'abandonner leurs habitudes et de réformer leurs faiblesses, ou celles qui trouveront toujours bon sens pour ne pas le faire. La soif de dignité tout comme l'amour du sublime animent tous les hommes universellement. Ces aspirations centrales à la condition humaine bousculeront les status Quo, défieront les legs du passé et changeront les mémoires, qu'il s'agisse d’arrêter de fumer, de boire du café, de mentir, de se camer, de croire en dieu, de croire en la science, d'exploiter les êtres humain, de commettre des larcins, de détourner de l'argent, de se croire intelligent, de violer les enfants, de torturer, d’emprisonner, de vendre des armes, d'empoisonner les cultures, de détruite les forêts, de massacrer les baleines, de faire du trafic d'organes ou d'absoudre la xénophobie et j'en passe...

J'émergeais de la transe le corps assouvi pour un temps. Le soleil nous avait faussé compagnie en disparaissant derrière une colline. La nature, baignée de la lumière douce du crépuscule s'esquivait vers la nuit en masses grises ardoises. J'avais soif et un peu froid. J’attrapais ma musette et je partis zigzaguant vers la Mazouillette. On entrait dans la maison par la pièce commune en descendant deux marches basses. Le gros de la bande rassemblé là s'affairait bruyamment. Pierre, Annie et l'une des copines s'empressaient à la cuisine. On me proposa une bière fraîche que j'acceptais avec reconnaissance. J'allais m’asseoir loin de l’agitation sur les premières marches du petit escalier qui colimaçonait vers l’étage. Je décapsulais et j'avalais le contenu de la bouteille en trois grandes goulées arides. Occupant l'une extrémités de la grande table, les quatre gaillards jouaient à la Belote en jetant des regards de biais vers le brasier ardent. La rouquine paradait sexy, en compagnie de sa copine dans un renfoncement du mur. Petite, pulpeuse et décidément bien roulée, l'alezane avait choisi une posture qui mettait en valeur des seins généreux qu'on devinait sous un chemisier jaune poussin évasée vers les épaules et froncée à l'encolure. Perchée haute sur le rebord d'une fenêtre elle dominait en leur faisant face les quatre benêts subjugués. Les bras raidis de chaque côté du corps, les mains coincées sous les fesses, elle se penchait vers les garçons en cambrant légèrement les reins sa tête renvoyée vers l'arrière. Elle avait défait ses tresses, libérant des boucles rouges qui déferlaient jusqu'au milieu de son dos, ravivant le feu de rouille qui crépitait sur sa peau. Elle rigolait toute en soubresauts et en gloussements bêtes qui, je soupçonnais avaient pour but de pourvoir à la fascination des quatre phallocrates domptés par la houle des tétons qui gonflait son corsage. Ses cuisses oblongues capées de rotules rondes et lisses s'exhibaient à hauteur du regard. On devinait à peine un petit short kaki que venaient compléter une paire de pataugas desquelles dépassaient des chaussettes oranges tire-bouchonnées vers les chevilles. De toute évidence elle savait commander aux désirs que les hommes avaient de son corps. Un homme un vrai, celui avec le poignard entre les dents, aurait attrapé la crinière cramoisie à pleine mains et là sur la table, devant tout le monde, aurait brutalement souiller les attraits dont elle se plaisait à enfiévrer les demi-sels. Voilà comment j'affabulais qu'il eut convenu de se comporter avec cette allumeuse ! Mais nous ne vivons pas dans un film américain de série B, n'est-ce pas ?

La romanichelle occupait l'autre bout de la grande table. Elle tranchait des tomates dans un grand saladier blanc posé devant elle. Assis à ses côtés, un homme visiblement son aîné, conversait avec elle de façon complice. Le copain de Fontcolombe nous à rejoint pensais-je par devers moi quelque peu dépité. Amor, tunisien, baraqué avait une physionomie engageante et un rire sonore plein de dents. Détendu et chaleureux ce personnage émanait un charisme puissant et forçait la sympathie. N'importe quelle fille l'aurait préféré à moi, pour sûr ! Isolé dans ma bulle opiacée, j'observais la galerie avec morgue et ennui. Je fini par sortir m'asseoir sous la treille pour pétuner du haschisch et rêvasser.

J'écrasais le mégot d'un pétard quand Pierre vint m'annoncer le dîner. Super ! Avec toute cette fumette, j'ai la fringale au ventre moi. Nous entrâmes dans la maison, le plafonnier lançait une lumière plate sur la table autour de laquelle on avait pris place. Il restait un espace libre à la gauche de l'astrologue, je m'y glissais. Elle m'accueillit en me proposant de servir mon assiette. J'acceptais de bon cœur, mais la voix me faisant défaut mon remerciement atone resta coincé dans mon gosier. Quel nul je faisais ! Je reçu une grosse portion d'une salade qui se voulait Niçoise, je la gloutonnais pour combler ma fringale de défoncé. Le repas se déroula à la française, on mangea trop, on but trop, on déconna trop. Le niveau sonore montait en proportion de la quantité d'alcool ingurgitée. Les personnalités se débridaient. Les quatre grivois dépassaient les limites du vulgaire faisant des blagues salaces de plus en plus lourdes décochées aux trois copines avec la rouquine en point de mire. Amor prit le parti des filles. De l’habileté de sa verve, que je découvrais pour la première fois, il incitait les forts en gueule à s'enfoncer toujours plus avant dans la voie du ridicule. Son rire sonnait large et fort, les minettes profitaient ouvertement de son allégeance. La fille flambée, point d'orgue de la libido ambiante, minaudait en tournant à la provoque. Quant aux imbéciles, ils s'embourbaient sur le chemin qui, croyaient-ils, mènerait à la carotte. Pauvres naïfs ! Décidément mes semblables m’attristaient. On voulait tous la baiser ! Mais ces quatre olibrius se vautraient dans l'obscénité, fiers de leur bassesse. Il me fallait fuir cette cour des miracles cérébraux. Je me tournais vers Jo et je demandais à voix basse :

-    Tu veux partager un joint ? Elle eut cette réponse magnifique :

-    D'accord.

Nous quittâmes la table et nous nous éclipsâmes par l'escalier de marches hautes. En quittant la pièce j'attrapais au vol les yeux d'Amor. Entre arabes, ou tout comme, on se comprend en silence et à distance :

– Attention frère, je te la confie.

– Tu n'as rien à craindre frère, je respecte l’honneur.

L'escalier étroit desservait deux chambres. À droite clairement celle de Pierre et Annie. Nous entrâmes à gauche, dans une grande pièce où étaient empilés des matelas qui serviraient plus tard au couchage de la troupe. Nous nous assîmes par terre face à face et je commençais illico à rouler un joint. Elle ne parlait pas et moi je ne savais quoi dire. J'avisais un damier et des pions rangé derrière elle sur une étagère. Pour me donner une contenance je proposais :

– Tu veux faire une partie d’échec ?

– D'accord. Fit-elle simplement.

J'avais le pétard aux lèvres mais avant d'allumer j'attrapais la boite et l’échiquier que je disposais entre nous. En amateur éclairé je plaçais un pion dans une de mes main. Je lui présentais mes poings fermés pour qu'elle fasse un choix. Elle jouerait avec les noirs. Moi, couillon, j’annonçais comme le veux la coutume :

– Les blancs jouent et gagnent. Gros malin va !

J'alignais mes pions, les blancs. Elle ne bougeait pas. J’alignais maintenant les noirs de son côté du plateau. Elle ne bougeait pas. J’allumais le joint et j'entamais la partie avec panache en avançant le cavalier du roi – ça en jette toujours cette ouverture là. Elle, impassible ne bougeait pas. Je lui tendis le joint pour l'aider à réfléchir. Elle le prit délicatement comme on tiendrait une rose pour la porter à son nez. Aucune pièce ne bougeait sur l’échiquier. Je patientais en silence... Je respectais sa concentration... Je la respectais même un sacré bon bout de temps... Aucune pièce ne bougeait sur l’échiquier. Après un long moment, elle me rendit le machin...éteint.

– Tu fumes pas ?

– Non merci.

Aucune pièce n'avait bougé sur l’échiquier.

– Tu joues pas aux échecs non plus ?

– Non pas vraiment.

Nous partîmes d'un rire facile et complice. La glace était brisée, nous nous sentions proches tout à coup. On laissa s'ouvrirent les écluses et l'on se mit à parler sans retenue, en confiance. Je parlais de la mort... elle parlait de renouveau. Je parlais du mal de vivre... elle parlait de survie. Je parlais d'amitié... elle parlait d'union. Je parlais de drogue... elle ne parlait pas. Je parlais d'argent... elle parlait de responsabilité. Je parlais de ma mère... elle parlait de son père. Je parlais de sexualité... elle parlait d'amour. Je parlais de faire des enfants... elle parlait d’élever les enfants. Je parlais d’érudition... elle parlait de connaissance. Je parlais de rêverie... elle parlait de ses voyages. Nous sommes restés des heures à nous parler devant ce cavalier penaud passé seul à l'attaque.

Je me souviens de notre première partie d’échec, notre unique partie d’échec qui toujours restera pour moi la seule partie d’échec.

29 novembre 2015

Ecriture dans le voyage

23 octobre 2015

Exercice 1 : Écrire un texte contenant chacun des mots de la liste – Donner un titre.

TERRE ; GALET ; RUBIS ; HORIZON ; COLONNE ; TRAVERSÉE ; COMPAGNON ; PAQUET ; BRISE ; COMTEMPLATION ; MOUVEMENT ; NATURE ; ART ; REMARQUABLE ; ÉTRANGETÉ ; INCONNU ; EXTASE.

 

 Découverte

J'aimerais vous parler d'une aventure remarquable, non pour ce qu'elle comporte d’étrangeté ou d'inconnu, mais parce qu’elle se trouve au point de départ d'une transformation profonde de mon être d'un mouvement irréversible de mon âme.

J'aurais pu choisir de vous raconter cette plage noire où à l'aube d'un jour d'orage, sous un ciel graphité incliné sur une mer terne, je trouvais par milliers, roulant dans le ressac, des éclats de verre polis, compagnons azuréens, émeraude ou rubis de galets ronds et gris bercés par les vagues.

Pourquoi pas vous décrire la traversée du grand sud là où la terre tremble frémissante dans l'horizon, là où le vent soulève des colonnes de sable et vous jette des paquets brûlants dans les yeux, là où la nature impertinente brise les conventions, se moque de l’équilibre, se délecte de barbarisme et d’excès?

Non, pour expliquer ce choc, ce bouleversement, il faut parler de l'art de la contemplation, du voyage intérieur, de la grâce dans l'abandon, de la révélation d'une beauté simple et franche. Dans l'extase que l'on éprouve à accepter ce que l'on ne peut changer et à embrasser ce qui nous aspire à aimer, j'ai réalisé une découverte extraordinaire.

 

 

Exercice 2 : À partir du titre du texte précédent écrire un nouveau texte.

La découverte

Je fis la remarquable découverte à l'heure de la sieste, dans la torpeur des heures chaudes, alors que Phébus au zénith dominait l'horizon. Par l'ouverture d'une porte, j'ai vu Gabrielle nue, assoupie sur le carrelage couleur rubis qui reposait échouée au galet de la chambre en quête d'une fraîcheur élusive. Au corps-à-corps avec la tomette dans la pénombre traversée de colonnes diaphanes montant en rayures moirées jusqu'aux persiennes, elle respirait, soulevant une brise ample qui animait une mèche de ses cheveux retombant dans l'instant lui chatouiller les narines.

Au dessert Gabrielle avait soufflé seize bougies rose et bleue. Des vestiges du gâteau, elle avait pioché des flocons de crème nature qu'elle suçait bruyamment à son index en faisant claquer sa langue. Par gaminerie, elle avait déposé des houppettes de mousse sucrée sur le bout de mon nez qu'elle venait ensuite cueillir en m'embrassant. Cousin timide, cousine espiègle, inséparables compagnons des grandes vacances, nous vivions liés par une complicité ambiguë ; mélange confus fait de niaiserie, d’amitié et d'attraction. Elle découvrait les armes de la séduction et affûtait les couteaux de ses charmes au diamant de ma dévotion. Moi, je mesurais ma valeur au baromètre de ses mouvements d'humeur. L'oncle Georges, tandis qu'il lui servait deux doigts de mousseux, avait déclaré qu'elle était une jeune fille à présent, mais c’était une femme que je voyais à plat ventre en travers de la terre cuite, une femme qui me fascinait et me troublait bel et bien. Arrimé au chambranle, le souffle court, l’œil collé à l'huis, je subissais l'empire d'un besoin exigeant encore qu'incertain. J'endurais les affres d'une douleur sourde, la tyrannie d'un garrot pressant. Malgré l’étrangeté d'une faute dont j'ignorais le sens et en dépit du malaise sournois qui m'habitait, je capitulais et laissais volontiers mon regard clandestin se glisser à la découverte de cette terre inconnue. J'osais, dans l'ombre de mon observatoire, explorer la banquise ardente, déchiffrer cette charade chimérique.

Je fus, ce jour-là, captivé par la contemplation de l'anatomie au féminin. Et je reçus à mon insu, un baptême en coup de poing, un émoi sensuel délicieux, une révélation charnelle d'ordre mystique. Voyeur en herbe je scrutais avec avidité le corps offert de Gabrielle. Je consignais à ma mémoire le grain lisse et tendu de sa peau blanche. L’épiderme parcourut çà et là de frissons à peine perceptibles comme on en voit frémir aux flancs des chevaux. Je constatais le plissement chiffonné de la plante de ses pieds qui me laissa quinaud et le sculpté de ses chevilles fines qui me plaisait autant que la fibre nerveuse de son tendon d'achille. En remontant le fuseau galbé de ses jambes, j'ai pris note d'une petite veine bleue battant dans le creux de son genou alors que sa rotule écrasée de travers sur le sol jouait le déboîtement. Je tremblais en constatant la longueur de ses cuisses effilées et fermes, que, pourtant, je connaissais bien, pour compte de nos baignades à la rivière. Les deux orbes laiteux qui les surplombaient me tinrent en alerte un long moment, mais en vérité, plus que ses fesses, ce sont de petits détails qui aujourd'hui enflamment encore mon souvenir. La pliure divinement anodine là où les cuisses se rattachent au siège, mais aussi et surtout, au-dessus des globes arrondies deux petites dépressions aiguës marquant dans le creux du dos le poinçon d'un orfèvre de génie, créateur de cette œuvre d'art. Enserrant les demi-lunes phosphorescentes des hanches anguleuses et abruptes basculaient vers le sol protégeant un ventre tendre et blanc que j'apercevais de biais. Chaque respiration séparait discrètement l'abdomen de l'argile que le renflement moelleux revenait épouser à chacune des inspirations de Gabrielle.....Au delà des fesses, la taille se resserrait délicieusement pour aussitôt s’évaser vers le plat du dos qu'un remous parcourait quand les côtes roulaient sous la peau. Le haut du dos, les omoplates et le coup se trouvaient dérobés à ma vue par une manne de cheveux noirs, seul perçait un rebondi blanc de peau brillante séparant les boucles épaisses qui cascadaient de part et d'autre de l’épaule isolée. Les bras filiformes et vifs reposaient à plat sur le sol semblant répondre à un ordre : « Mains en l'air ! » Plus loin des poignets délicats rattachaient les membres aux mains que j'avais pour habitude de prendre dans les miennes. Je restais longtemps immobile, statufié dans l'extase qui me consumait. Bien sûr, j’étais secrètement amoureux de Gabrielle, mais soudain je faisais l'apprentissage du désir que j'avais d'elle. Ce trouble, je le savais déjà, annonçais l'aube d'une gêne souterraine qui désormais changerait la candeur de notre entente. Ce jour-là, je faisais prématurément un pas hors de l'enfance, je perdais un peu de mon innocence.

Trois heures tintèrent à l'horloge Empire qui trônait sur la commode comme s'il s’était sagit des trois coups d'un lever de rideau. La belle se mit en mouvement, s’étira comme un chat, se levant d'un mouvement tout aussi félin, elle enfila la robe jaune abandonnée en paquet dans le grand fauteuil. Elle chaussa des espadrilles trouées et sortit vers le parc par la porte-fenêtre. En un coup de baguette magique, et du fait de la familiarité du vêtement et du délié des mouvements, Vénus disparaissait, et c’était ma cousine Gabrielle réapparue que je voyais maintenant s’éloigner dans la lumière aveuglante de l’après-midi...

8 octobre 2016

Ecrire LA LIBERTE

Une expérience: The common people


- Sais-tu ce que j’ai découvert?

- Non?

C’était énorme ce que j’avais à dire, une véritable révolution. Une simple
expérience de quelques minutes sur la scène du Ballet National de Marseille.

Un changement de point de vue, c’était bien le cas de le dire!

- J’ai vraiment découvert que ce qui est essentiel est invisible pour les yeux.

- Ouais! T’es bien gentil… Mais ça je le savais déjà… Tu sais j’ai lu le Petit
Prince: « on ne voit bien qu’avec le coeur » etc.. etc…

- Non, mais tu ne comprends pas, j’ai découvert par… l’expérimentation, que
c’est vrai… vraiment vrai!

- Ok, ok, m’enfin bon c’est vraiment très basique, trop simpliste, ce ne sont que
des mots.

- Mais non! C’est pas que des mots. Si tu regardes avec le coeur, et pas avec les
yeux, tu deviens libre, tu te sens plus léger, tu te débarrasses des préjugés… Un
préjugé, c’est juger avant, avant même de connaitre, tu sais le fameux « l’habit
ne fait pas le moine ».

- Oui! n’empêche que moi, j’ai confiance dans mon jugement, au premier coup
d’oeil je sais si cette nana est digne d’intérêt, ou si ce gars est un type bien ou
pas.

- Mais ce que j’ai découvert, c’est que c’est justement ce jugement qui t’enferme,
si tu regardes avec le coeur, les yeux fermés si je puis dire, tu vas vers l’amour
qui rend libre, et tu ouvres la prison des habitudes.

Mais décidément il ne comprenait pas… Enfermé dans ses certitudes.

- Tu vois, je ne vois vraiment pas ce que tu veux dire.

Et c’était bien là le problème, ses yeux ouverts l’empêchaient de voir…

                                                                                    FREDERIC P.

13 novembre 2018

ATELIER d'écriture au MUCEM Visite de l'expo Ai Weiwei

Christophe MARTIN inspiré par l'expo du Mucem

 

Laurence et Michel

 

Laurence parcourut l’expo rapidement sans trop s’attarder devant les objets présentés. Michel, lui flâne et devant les deux gros savons posés au sol, Laurence frôle Michel du bras qui essaye de déchiffrer ce qui est écris dessus. Laurence ne s’arrête pas pour s’excuser.

Michel perturbé dans sa lecture, regarde Laurence qui lève les yeux au plafond sur la structure en bois colorée. Michel suit du regard Laurence dans ce qui peut bien l’intéresser dans cette structure gigantesque.

Les couleurs, la forme, les personnages accrochés ? ne trouvant pas, il ose demander à Laurence ce qu’il y a de tant captivant dans ces morceaux de bois multicolores.

-Que regardez-vous en particulier ?

Laurence surprise d’être accostée par un inconnu, elle le regarde du haut de son mètre quatre- vingt.

Que veut-il celui-là ?

Michel est tout penaud devant le silence de Laurence qui de ses yeux bleus, l’observe de haut en bas.

Michel essaye de relancer la conversation.

  • C’est coloré, n’est-ce pas ?

Laurence répond laconiquement.

  • Oui oui

Michel de nouveau engage la discussion en parlant, Laurence devient un peu plus attentive et commence à se poser et à apprécier de rester immobile.

En écoutant avec attention, Laurence est un peu apaisée et la voix de Michel lui enlève son stress envahissant.

Laurence se décide enfin à lui répondre.

  • Effectivement cette composition en bois est magnifique et j’aimerai l’avoir comme pergola sur ma terrasse de ma petite maison.

Michel sourit en entendant cela.

  • Je serais ravi de pouvoir vous construire une réplique de celle-ci et aussi colorée !

  • Pourquoi vous travaillez le bois.

Dit Laurence en pensant que Michel n’avait pas le look d’un travailleur manuel.

Michel en souriant lui montre sa carte de visite.

  • C’est moi l’artiste qui a conçu celle-ci !

 

 

 

6 mars 2019

La créativité avec un texte de Mère, Janv-fév 2019 Auroville Inde

Eloge de l’imagination

 

Je survole la plage et plus je m’élève, moins j’identifie les ronds des bidons, les carrés des maisons, les rectangles des autobus.

Je m’élève encore dans la lumière plus haut que les grands arbres que j’entends froufrouter à mon passage : » Regardez le bel oiseau rouge et bleu ! »

Je vais où je veux, je quitte la rue Montorsier, je survole la rue Gandhi, je tourne et tourne et dépasse le grand temple où j’aperçoit un pandit en prière. Je survole l’East Cost Road en direction du nord et je monte plus haut pour ne plus entendre le vacarme des klaxons.

Plus je m’élève et plus je m’allège, mais vient le moment où je me rends compte que je suis tout seul dans la lumière. Alors j’hésite à monter plus haut, sortir de l’atmosphère, dépasser la stratosphère pour me mettre en orbite dans le silence interstellaire.

J’aime trop le chant du vent dans les arbres, celui de l’eau vive des ruisseaux. Je me laisse porter par le courant d’air descendant et je me pose au bord de l’eau. Dans le reflet de l’onde pure, je ne vois rien. Devenu invisible et silencieux, je peux enfin commencer à regarder le monde tel qu’il est.

 

Pavillon de France. Christine. 23/01/2019

 

 

Eloge de la patience

 

La patience, de toutes les qualités humaines est la plus précieuse dès lors qu’il est question de relations entre les êtres. Savoir écouter jusqu’au bout sans interrompre ou savoir attendre son tour de bonheur.

C’est la patience qui permet d’accomplir son modeste travail quotidien, ou l’œuvre de toute une vie, dans les moindres et infimes détails jusqu’à son aboutissement.

Fille du calme et de la persévérance, elle répète le même geste artisanal, le même mot d’excuse ou de pardon, reste centrée sur son intention quoiqu’il arrive, au-delà de l’ennui et de la réprobation.

La patience est le plus beau cadeau à offrir à l’enfant qui fait ses premiers pas, ses premières tentatives, qui commence à déplier ses ailes pour quitter le nid douillet, et à s’offrir à soi-même pour attendre sereinement son retour.

La patience conseille de rester quand l’autre s’éloigne, quand le dialogue est rompu, quand la violence menace d’exploser, et de s’asseoir ensemble pour reconstituer, mot à mot, le puzzle des raisons d’espérer encore, en dépit des incompréhensions et des malentendus.

La patience est celle qui invite à rebrousser chemin jusqu’au lieu de notre fourvoiement.

Vertu archaïque dans ce monde de vitesse et d’exploits, la patience est l’autre nom de l’enracinement dans l’être.

Pavillon de France. Christine. 28/01/2019

L’oiseau :

Il s’est redressé, son coup s’est allongé, ses yeux perçants scruté la plaine et il s’est élancé de son rocher dans le vide. Volant, tournoyant audessus des arbres, traquant une proie, renversant un nid il a plongé sur le petit point qui hurlait de frayeur. Ses cris stridents retentirent. La plaine, les herbes se sont réveillées, le vent a soufflé, les fleurs ont dégagé leur senteurs. Etourdi, il a piqué du nez dans la marre.

Les enfants ont courru vers lui. L’ont sorti, L’eau avait fait son travail. Il ressemblait à un ballon. Les enfants se sont mis jouer, chaque coup de pied résonnaient dans sa carcasse, il avait très mal.

Petit Pierre s’est arrêté, l’a regardé, pris dans ses bras, peneau de ne l’avoir reconnu. Il l’a réchauffé, lui a parlé, est allé lui chercher à manger.

Un fois qu’il fut revigoré, Petit Pierre a grimpé sur son dos. Ils se sont envolé vers le pays où l’on n’arrive jamais. Ils ont traversé des plaines et des plaines, certaines étaient recouvertes de neige, de certaines s’élevaient des fumés et des cris, Ils ont grimpé aux somments de montagnes habillées d’un chapeau de neige pour enfin arriver audessus lieu.

De ’air, descendait des pepites d’or. Elles emplissait l’atmosphère. Les murs des maisons transparents laissaient voir des gens purs habillés de tuniques couleur or. Ils se sont posés sur le rocher face au soleil qui dominait le royaume. Leurs yeux ne pouvaient s’en détacher. Cette beauté emplissait leur cœur, le pénétrait, un monde nouveau leur apparaissait. La grande aventure.

Ann.R

 

 

22 octobre 2020

Ecrire durant le confinement

Dominique Heil

 

Histoire de vie avec un animal 

 

Ouf ! Je viens de comprendre que Medor va être mon sauveur par ces temps de confinement ! 

 

En effet je vais pouvoir sortir comme bon me semble , ou plus exactement Medor va pouvoir me

 

 sortir au gré de ses crottes .

 

Pourtant quand ma copine Florence me l’a confié , je ne voyais pas d’un bon oeil ce tyran qui

 

 m’imposait 3 fois par jour de descendre et remonter mes 4 étages ! Et de plus il allait falloir que je

 

 le nourrisse, et lui acheter, ordre de Flo ,un petit beefsteak, tous les 2 jours pour prendre soin de

 

 son pelage.

 

Mais aujourd’hui quel bonheur d’aller chez Marcel  le boucher avec Medor au bout de sa laisse , 

 

avide du moindre détour et me permettant ainsi de tourner autour des arbres de la place .

 

Quel bonheur de croiser fièrement les gendarmes , lavée de toute suspicion d’abus , même

 

 saluée par eux trop heureux de croiser un visage connu .

 

Hélas hier j’ai du le rendre à sa maîtresse, car tout s’est gâté quand Medor , étourdi , et pressė , a

 

 pris la jambe du gendarme planté devant la mairie, pour un réverbère ! 

 

Finies les balades ! 

 

Finies les visites chez le boucher ! 

 

Aux armes les attestations ! 

 

 

 

ATELIER 22 octobre 2020 

 

Un voyage de rêve...

 

Quand j’imagine ma vie, celle que je n’aurais pas vécue , je ne sais pas où j’aurais aimé aller , ce que je sais c’est qu » Ailleurs»m’aurait plu ! 

Parfois je me dis que si j’étais née au bout du monde. Tout aurait été possible ! 

 

Je ne connais pas le pays des « Possibles «  , mais ce que j’imagine c’est le pays du Bonheur, où tous les enfants sont joyeux, où tous les adultes sont pacifiques, où la nature est belle, où le soleil brille tout le temps et où les gens ne portent pas de masque.

 

Le pays où j’aurais pu naître est celui auquel je croyais quand j’étais petite fille derrière la fenêtre de ma chambre , a Champigny, quand j’étais malade et que ma maman m’apportait du sirop pour soigner ma toux et me donnait ensuite une gaufrette au chocolat .

 

Je voyageais alors dans ma tête. Les images des livres que mon père me lisait le soir me montrait un monde coloré, fait de magnifiques paysages , tellement différents des buildings grisâtres qui m’entouraient .

 

 Je partais sur les chemins de cet endroit féerique pour moi , je cueillais des fleurs, des fruits, juchée sur mon âne, Bidichon, qui me transportait d’allégresse ! 

Ce voyage je l’ai refait, et refait ...et même si depuis , ma vie m’a appris a me contenter de celle que j’ai  construite et que j’aime.Ma vie qui m’a permis de voyager à travers les continents, qui m’a apporté 1000 tristesses et 10000 bonheurs .

 

Je reste persuadée que cet « Ailleurs » imaginė est le plus beau voyage de ma vie . Celui  où tout est possible . 

 

26 janvier 2021

Les femmes puissantes en atelier d'écriture en partenariat avec la Cité Audacieuse

Claire Fougerol

J'aime les femmes puissantes qui osent la vie en non-mixité comme dans notre atelier des Baladantes où émerge tant de sororité dans la créativité.

 Des femmes qui réinventent le monde pour pouvoir y exister  et qui vivent comme leur inspire  leur instinct révolutionnaire !

Au diable la famille nucléaire...c'est radioactif !

 D'ailleurs en parlant de slogans des années 70 : j'aime les femmes puissantes qui s'aiment entre femmes puissantes car alors les hommes ne récoltent plus ... le fruit de nos 1000 travaux gratuits.

Eh oui car une femme sans homme est puissante, un peu comme une poissonne est puissante dans l'eau, sans bicyclette !

D'ailleurs les femmes puissantes sont souvent sorties de  l'hétérocaptivité qui est au patriarcat ce que la roue est à la bicyclette (de la poissonne)

 Mais ces femmes puissantes ont été évacuées des archives, de  l'histoire 

d'autant plus quand elles n'avaient pas de descendance biologique

d'autant plus quand elles étaient de puissantes lesbiennes !

 Alors moi je me sens puissante de connaître l'existence de Loïe Fuller depuis ce week-end
de pouvoir citer le nom d'héroïnes comme Harriet Tubman et Audre Lorde.

Je tisse une toile robuste pour nous relier et je me sens puissante de me sentir être une arrière-arrière-arrière-arrière-...-arrière petite sœur de Sappho.

 

ROSELINE FOUQUE

« J’aime les femmes puissantes qui »…malgré l’adversité continuent  d’avancer…

J’aime les femmes puissantes qui enfin arrivent  à se débailloner.

Qui sans costume et sans moustache, se positionnent,  prennent leur place.

La puissance, n’est pas la force.

L’égalité n’est pas la similitude.

Le pouvoir n’est pas la dictature.

J’aime ces femmes puissantes qui sans vouloir être une pâle copie de la puissance deviennent l’expression de leur vérité.

Seule dans un hémicycle, avec leurs sœurs brandissant l’étendard de la reconnaissance j’aime ces femmes qui osent,  qui avancent et qui nous ouvrent le chemin de notre puissance. 

19 avril 2020

Encore du rire en confinement

DOM HEIL

 

Drôlement, les amants, sagement mais intensément vivent le confinement.

Ils cherchent expressément, le meilleur environnement pour agréablement passer de bons moments. Joyeusement et calmement, ils essaient de passer leur temps le plus superbement possible, en mimant amoureusement leurs gestes passés.

 

Brièvement, parfois, plus par empêchement que par évitement, ils tombent dans des embrassements très chaleureusement.

 

Catégoriquement, le confinement dans cet environnement, est source de câlinement.

 

Périodiquement, ils espèrent que cet empêchement sera carrément un moyen de voir la vie constitutionnellement, tel des déments ! Victorieusement ! 

 

 

Exercice n 3 

 

Il y a des jours où j’en ai marre, je laisserais tout tomber j’irais ...

 

N’importe où ! Le problème c’est que « n’importe où », n’est pas identifié dans google map ! 

J’ai beau taper, NIM, PORTE, QUOI, OÙ, rien ne sort et je sais même pas quand j’y arriverai ! 

Quand je demande à mes amis de me donner le chemin, ils me répondent que c’est nulle part, 

Mais quand je tape Nulle part sur mon écran de GPS, il me demande la rue, et je la connais pas ! 

 

C’est nul ! 

J’en ai marre ! Je veux aller ailleurs, mais pour aller ailleurs il faut savoir quoi mettre dans ma valise, qui est faite du coup n’importe comment.

 

Peu importe ! Un jour comme aujourd’hui, le principal, c’est que j’en ai marre ! Et que ce qui m’importe c’est de foutre le camp ! 

 

Alors, j’ai décidé que j’irai n’importe où, que cela n’en déplaise à ma mère, parce que N’importe où, c’est mieux qu’ici ou ailleurs, la vie que je mènerai, n’importe laquelle sera mieux que n’importe quelle autre vie ! 

Que vous importe que je me porte mal ? 

C’est un mal pour un bien, même si c’est n’importe quoi, et n’importe où !!

 

 



23 juillet 2016

Festival d'Avignon juillet 2016 Ateliers d'écriture 15-17 critiques culturels de la CCAS

Des vacances

Des nouveaux amis

Une colo, un camping

Une piscine, un festival

des spectacles, du théâtre

de la danse, du rire

Du soleil, des critiques

 

Céline

 

 CONTRE COURANT

18h CRI Kiaï compagnie

 Un spectacle d'acrobatie grandiose.

Des artistes talentueux vous promettent un moment vibrant, aérien et époustouflant.
Les artistes nous proposent une introduction décalée et pleine d'humour sur le thème du rassemblement. Ce spectacle participatif joue sur le talent d'improvisation d'un rappeur dynamique et d'acrobates souplissimes.
Les artistes et particulièrment le premier nous proposent des figures à mi-chemin entre la danse hip hop et l'acrobatie. Ils maitrisent parfaitement des figures incroyables qui demandent souplesse et habileté.
En bref, un spectacle impressionant bien qu'un peu répétitif.

 Kelia, Sandra, Lise

 

 IN 

TIGER 

Tigern est une pièce de théâtre écrite par Gianina Carbunariu et mise en scène par Sofia Jupither. Son titre, qui signifie « tigresse » en suédois, est parfaitement représentatif du thème de la pièce, puisque cette dernière se base sur l'histoire (vraie) d'une tigresse échappée d'un zoo dans une ville de Roumanie, il y a de cela cinq ans. Les témoins défilent, un chauffeur de taxi, un couple de touristes et même un trio d'oiseaux, alias un corbeau, un pigeon et un moineau (car oui, les animaux ont bel et bien leur voix dans ce spectacle, et c'est aussi ce qui en fait toute la dimension). Sous l'humour piquant des protagonistes se cache une véritable critique de la société, où l'auteur pointe du doigt la délicate notion de l'étranger et de l'inconnu, dont la tigresse est ici l'allégorie. Les scènes nous laissent à la fois amusés et déconcertés ; elles s'étirent un peu trop parfois, dans ce décor simple au possible, avec pour seuls accessoires quelques chaises et un micro. On rit des mimiques du corbeau, s'attendrit de la douceur du moineau, mais surtout, on se questionne sur la place et le destin de cette tigresse, de cette étrangère, dans un monde où on ne veut pas forcément d'elle. Le message reste implicite et pourtant indéniablement fort, laissant non pas un sentiment de satisfaction, mais comme une question en suspens dans nos esprits.

 

Sarah, jeune du camp CCAS

 

 

TRUCKSTOP

 

De Lot Vekemans

Une mère teant un bar routier, sa fille fragile et un jeune camionneur paumé.

il y a des moments j'en ai eu des frissons. Beaucopup de flashbacks et une mise en scène intéressante.

Thomas, jeune du camp CCAS

 

Tu écris souvent Thomas ?

Oui régulièrement j'écris des billets d'humeur. Avant j'écrivais sur un carnet mais maintenant j'écris sur mon téléphone. Je trpuve que c'est plus rapide que de corriger sur papier et ça me laisse plus de liberté pour mon imagination. J'écris quand je ne vais pas bien, quand j'ai des coups de blues. Ca me plait que les jeunes s'identifient à mes états d'âme. Je n'arrive à écrire que quand je suis triste, si je suis gai ça ne marche pas.

 

Going Home

 

j'aime bien ce titre , il est assez parlant.
Ce spectacle diffuse des émotions que le narrateur veut nous faire partager ce qui fait que ce spectacle est une expérience inoubliable.

Il raconte la vie d'un jeune Ethopien à qui il arrive plusieurs aventures autant bonnes que mauvaises.

La mise en scène inclut un narrateur et deux musiciens. Le décor fait penser au pays natal du narrateur avec la projection d'un petit film. Les deux musiciens jouent le rôle de comédiens de temps en temps dans la pièce.

Ce spectacle m'a énormément ému et beaucoup plu avec le jeu du narrateur, la musique entrainante qui m'a donné envie de suivre l'histoire.
Je conseille vraiment ce spectacle pour les personnes qui aiment voyager, il a vraiment sa place au festival d'Avignon.

 

Andreï, jeune du camp de la CCAS

 

 

Intrigues dans la cour des Damnés 

S'il y a un spectacle que je conseille d'aller voir, c'est bien les Damnés.

Une mise en scène époustouflante, des comédiens prodigieux et des personnages ambitieux. Certes on me dira que le scénario est le même que celui du film, dont il est inspiré mais je dirai qu'il ne s'agit pas d'un véritable argument puisqu'on peut dire la même chose de chaque film ou spectacle tirés d'une autre œuvre.
Dès le début de la pièce on est plongé dans une intrigue autour de la gestion d'une manufacture fournissant le mouvement national nazi qui s'annonce intéressante. Un peu difficile de repérer qui est qui cependant. Un personnage incroyable entre tous, Martin, dérangeant, fou, intriguant. Il nous permet de faire un parallèle avec la victoire de la folie à l'époque à laquelle se déroule cette pièce. On peut le voir sous différentes formes, manipulé puis manipulateur, dangereux à la manière d'une bombe prête à exploser à chaque instant entre nos mains. Pour ce qui est des autres personnages, le spectateur ressent tour à tour de la haîne puis de la pitié à leur égard.

Ce spectacle a tout pour être le spectacle phare du festival et je conseille à quiconque cherchant un spectacle de qualité pour ressentir des émotions fortes d'aller le voir. 

Maël , jeune du camp CCAS

 

 OFF

Ana ou la jeune fille intelligente

De Catherine Benhamou

Au théâtre du coin de la Lune à 16h

« Mariée à mort !

Poétique, doux, charismatique, original

On s’attendait à un spectacle de marionnettes mais ce n’était pas vraiment ça.

On s’attendait à un spectacle divertissant mais ce n’était pas du tout ça

En fait on a été surpris de bout en bout, pour le meilleur et pour le pire.

Ana, d’abord jeune fille puis femme, nous explique dans un langage très imagé qu’elle a été mariée de force à son oncle.

On suit son cheminement intellectuel, son désespoir et la réflexion qu’elle nous livre sur son mariage.

La mise en scène est originale, très simple et dépouillée. Un rideau transparent nous permet de voir l’ombre des comédiens dans l’arrière scène.

Le jeu des comédiens fait ressentir les émotions intensément et donne une dimension politique très sensible à l’histoire. Le regard de la marionnette est très fort, tout le charisme de la pièce repose sur elle. Cette pièce est  complexe mais si riche sur le fond et la forme qu’elle mérite d’être vue.

Loic,  Jeune du camp de la CCAS

 

 

24 mai 2022

Sortie à la voile du printemps

Françoise PRAX

Les gens de la mer

C était 1 ancien pêcheur, très bon mécanicien. Il arpentait souvent les quais de mon village préféré. Il portait 1 tricot rayé bleu et blanc, toujours le même. Il n avait jamais froid. Été comme hiver, il était vêtu léger. Il était très reconnaissable car il boitait 1 peu. Il avait 1 jambe plus courte, et avait ce petit dehanchement qui ne le perturbait pas plus que cela. Mon père le croisait fréquemment et il avait l habitude de monter sur le «Gin Fizz», notre petit voilier sans voile. Mon père avait réalisé son rêve de naviguer sur la mer dans la baie de Cassis. Le temps lui manquait et il n avait pas pu apprendre à faire de la voile. Donc, nous naviguions au moteur. Frédéric, le mécanicien de bateau vérifiait le moteur chaque fois que nous avions décidé de partir en mer. Mon père qui avait sympathisé avec Frédéric, lui demandait toujours la météo. Et l ancien pêcheur ne se trompait jamais. Il faisait presque parti de la famille, et nous étions très heureux quand il nous affirmait que tout était OK. Ça y est, c est le départ !! On allait passé 1 bonne journée sur le bateau !! Nous avions juste 1 peu peur, les trois enfants de passer à côté du rocher pointu, triangulaire, à l aplomb de la falaise rouge, qui se nommait «la pieuvre». Frédéric nous avait indiqué l endroit précis, et j imaginais à l époque, d énormes et immenses créatures logeant à la base de ce rocher, dans le bleu sombre presque noir de la mer.

 

Gérard PERRIER

VOILE, POESIE, MUSIQUE sur le « KYORA » .

NAVIGATION COUCHER DE SOLEIL –PLEINE LUNE DIMANCHE 15 MAI 2022.

Du port de SAINT MANDRIER en face du port de TOULON jusqu'au cap Brun à l’EST de Toulon ( de 14h à 22h ,avec huit amoureuses et amoureux des
rencontres littéraires avec lecture à voix haute,celle qui fait s’envoler les mots.)


A bord d’un voilier de 13 m dont le capitaine GEO a 40 ans d’expérience de
navigation .
Organisé par FLORENCE GUICHARD fondatrice et animatrice de l’ATELIER D’ECRITURE de l’association LES BALADANTES
(https://www.lesbaladantes.com/ ).


1-A PARTIR D’UN POEME DE BAUDELAIRE : « Homme libre toujours tu chériras la mer ».

Le thème d’ écriture : LA MER CE N’EST PAS SEULEMENT…

La mer ce n’est pas seulement l’eau , ce sont des histoires :

celles de l’immensité, celles de l’horizon à l’infini
Celle d’une ligne mystérieuse où tant et tant de marins sont passés.
Celle des effondrements géologiques entre les continents et autres
formations calcaires de Provence , voici des millions d’années en
Méditerranée, mer au milieu des terres, mer coupure et trait d’union
ensemble.
On ne finira jamais de méditer sur la mer , celle des rêves ,celle des arrivées
et des départs ,

2

Mer des oublis et des recommencements comme toutes les mers, dessinant
sur le globe terrestre la carte des eaux mouvantes, celles des chœurs des
peuples frères.

2/ « Je cueillerai la mer et je te l’offrirai… » (Au creux d’un coquillage…)


Au creux d’un coquillage , mes lèvres ouvertes disent des sons amoureux,
Ceux du Taj Mahal pas loin du Gange, là ce palais moghol de
Shah Jahan à la mémoire de son épouse Mumtaz Mahal, où l’amour fut plus
intense que le loi du clan.
Au creux d’un coquillage, je te dis ce qui compte plus que tout.
Ni bijoux, ni palais, ni fortune ne sont au rendez –vous dans ce coquillage
oublié sur le passage des vents.
Dans ce coquillage on trouve les mots qui sauvent de la banalité , des ruses
et de la mort.


3/Les gens de la mer (portait descriptif).


Tous mes ancêtres paternels furent des marins militaires basés à Toulon.
Justement là où nous naviguons.
Mon grand père, PAUL PERRIER, que je n’ai connu que par la transmission de
son fils, MARCEL, mon père, était un marin singulier. Il était musicien de la
Musique des Equipages de la Flotte , avec un instrument à vent de grande
taille ,le soubassophone ,apparenté au tuba contrebasse. PAUL, disait son
épouse ma grand-mère Baptistine que j’ai connue, «  ne passait pas par la
porte » à cause de sa haute taille. Il faut dire enfin que cette lignée paternelle
était faite d’agriculteurs modestes, originaires des environs de RONCHAMP,
en Haute -Saône (FRANCHE COMTE, région frontalière de la Suisse et très
voisine de l’Allemagne) jusqu’à la fin du 18 ème siècle. Un François PERRIER, fut
contrôleur de la teneur en cuivre des monnaies du Roi, employé par la Ferme

3

Royale de Ronchamp-pouvoir régalien de l’Etat de battre monnaie-
.l’administration fiscale d’alors…et mon fils est inspecteur des Impôts !
Il quitta sa région natale en 1801,on ignore pourquoi, et s’établit à Toulon
Son fils devint Lieutenant des Douanes dans l’île de Porquerolles. (recherches
de Marcel mon père vers la fin de sa vie dans les registres paroissiaux puis
d’Etat Civil avec l’aide d’associations spécialisées ).Un Perrier fut chevalier de
la Légion d’Honneur sous le Second Empire (1852-1860).
Paul Perrier donc (né en 1880 à Toulon , décédé seul , près de Gap en
1935,dans la famille de Baptistine ,son épouse, originaire du Champsaur dont
il restaurait la peinture des murs d’une de leurs maisons. Je l’ai vue : Marcel
me la montra, près du hameau de Chauvet à 1 km sous le col Bayard .
Cet homme n’a pas le regard d’un baroudeur sur les photos , mais celui d’un
artiste mélancolique. Un rêveur peu bavard disait mon père, habitué comme
il l’était aux longs sillages d’écume de l’étrave du bateau solitaire à travers les
mers lointaines de l’empire colonial français d’alors.
Qu’ai –je hérité de cet homme sensible , timide ? Ce sont ses parents, son
père , sous officier de la Marine qui lui trouvèrent épouse, ma grand-mère
Baptistine ,femme pauvre ,orpheline, bonne à tout faire du curé du quartier à
l’âge de 8 ans , chez le chanoine Bouisson, dans son quartier du Forgentier à
Toulon ,pas loin de là où je naquis. A quoi pensait Paul sous les grandes
voiles des frégates royales ? Lui qui démissionna de la Marine car il devait
repartir en mer pour deux années de navigation alors qu’il venait d’arriver à
bon port… il erra au chômage puis mourut sur les hauteurs de Gap.
Sa musique ne fut pas qu’une rineban belle des marches militaires. Liée au
balancement des flots ,au sel des vents, aux harmonies languissantes des
chaleurs équatoriales .Celles que j’ai connues sur les côtes de Guyane en
pensant à ce vagabond marin en uniforme, mon grand père !


4/ UN SILENCE SE FIT SUR LE DECLIN DU JOUR..


Ce fut un moment exceptionnel : la mise en commun des écritures de ce que chacun est au fond de lui-même.

Paroles poétiques de cet atelier animé par Florence sur le bateau de Georges.

24 mars 2012

Crimes exemplaires

SABINE RIMAUD

Utiliser la phrase choisie parmi plusieurs propositions  « la seconde hypothèse est la plus effarante ».

 

J’ai trouvé sur le sol du salon en entrant la poupée de Charlotte. Eventrée.

Soigneusement découpée aux ciseaux ; du thorax au nombril.

 

La paille et le coton qui remplissent le jouet

Lardés de cicatrices; au couteau.

 

Le plus surprenant c’étaient ces traces, sur le tissu :

Clotilde avait déniché le flacon d’éosine,

Assez judicieusement versé aux endroits adéquats des rougeurs pour indiquer un crime.

 

Je m’assis en silence.

Pourquoi Clotilde avait-elle trucidé Léonie ?

 

La première hypothèse:

Dispute entre frangines, l’aînée passe sa colère sur le jouet préféré de Charlotte ; simplement.

 

La seconde hypothèse est la plus effarante :

Clotilde n’a jamais accepté l’arrivée de Charlotte dans la famille.

Et là, Léonie, c’est Charlotte pour Clotilde…

 

Clotilde qui pousse Charlotte sur le sol, brutalement ;

Clotilde qui lève le bras et l’abat sur le ventre ; de Charlotte ; évidemment.

Clotilde qui va d’un geste vers le cœur ;

Puis Clotilde qui redescend le couteau vers le sexe, en ricanant.

 

Je me secoue  et crie : « c’est absurde ! Les enfants  sont des anges, pas des ogres ! »

 

Je n’ai rien demandé à Clotilde qui rentrait en chantant.

Quand Charlotte arriva à son tour, je lui dis que j’étais désolée :

Cambriolage au rez-de-chaussée par des amateurs de poupée, antiquaires sans doute.

Elle m’a longuement regardé…

 

Nous n’avons jamais reparlé toutes les trois de la longue destinée de Léonie la poupée.

 

CHRISTOPHE LAROCHE

Effarante hypothèse

 

- La seconde hypothèse est la plus effarante, décréta le commissaire Moubarok, tandis qu’il considérait les restes encore fumant du cadavre.

Au fait des compétences de mon supérieur, de son intuition, moi qui le côtoyais depuis tant d’années, ces quelques mots me glacèrent le sang.

Comment imaginer un scénario plus horrible que celui qui s’était tout d’abord imposé.

Ces morceaux de chair découpés avec la méticulosité d’un boucher, fier de son diplôme de meilleur artisan de France, la façon dont ceux-ci étaient disposés, rappelant étrangement un tableau de Francis Bacon, leur odeur rehaussée par un subtil relent d’une eau de Cologne bon marché, tous ces indices convergeaient vers la même solution.

Quelle était donc cette seconde supposition encore plus effroyable ?

Je n’osais questionner le commissaire, de peur de souligner les limites de mon imagination à celui qui m’avait tout appris.

Moubarok tira à nouveau sur son narguilé.

- Plus j’y pense et plus cela s’impose. Voyez-vous ceci ?

Je cherchais fébrilement du regard l’indice que devait m’indiquer son index.

En tendant le cou, je finis par remarquer ce détail incongru. Sur le crâne sanguinolent, une trace brune, visiblement le résultat d’un choc électrique.

- Vous voulez dire que…, chuchotais-je timidement.

- Parfaitement, ce meurtre n’a rien de halal. Nous n’avons rien à faire ici.

Ce furent les dernières paroles de Moubarok avant qu’il ne tourne les talons.

Il faut dire que le commissaire ne rigolait jamais avec les traditions.

 

 

SABINE SALOMON

A partir d' un incipit: «Devant la maison, un soir, j'aperçois une lumière à la fenêtre».

 

Devant la maison, un soir, j'aperçois une lumière à la fenêtre. Fenêtre du haut. Celle de la pièce condamnée.

Je vis seule.

Ai-je oublié d'éteindre? Non! Impossible! Plusieurs mois que je n'ai plus mis les pieds dans cette pièce!

Mon sang ne fait qu'un tour. Mes poils se hérissent. Mon cuir chevelu s'électrise. Flux et reflux dans la colonne vertébrale.

La peur! La vraie peur!

Rapidement, le sursaut: me secouer! me défiger! Oui! Ça se décale: une fulgurante curiosité me ranime! Quelque chose d'extraordinaire est peut-être là, à portées de mains! Maintenant!

Faire face!

Mes yeux écarquillés captent mieux: un profil d'homme, en ombre chinoise, se découpe sur le mur blanc!

Mon coeur devient tambour.

L'ombre devient appel.

Rythme viscéral. Echo viril.

Cette mise en scène attise tous mes sens; éveille une attirance sauvage.

J'y vais! J'ai du cran!

 

Traversée du jardin: rassemblée, je marche:

chaque pas est pas de la femme vers l'homme.

Chaque pas porte la femme au coeur tambour vers l'inconnu, au profil immobile.

Présences démultipliées.

 

J'atteins la maison; monte direct.

Sur le palier, je me mets à chantonner; cherche courage.

Me sens sirène.

Veux attirer la bête hors de son antre.

Rien ne bouge.

Je sais qu'il m'attend.

Qui il? Kill? Mauvais présage!

J'appelle.

Rien.

Je n'ai pas envie de reculer. L'instant est si puissant.

J'ouvre la porte. Il ouvre ses bras.

Tous deux , debout. Deux mètres entre nous. Tous deux immobiles.

Son regard est acéré. Il me glace.

Je résiste. J'accepte le combat. Nos yeux sont nos armes: jets de lames aiguisées; torrents de mercure insaisissable; flots de lave en fusion. Joutes dans nos orbites et  dans nos tripes.

Tout remonte!

A croire que tout se rejoue là : «être homme ou être femme».

La différence des sexes lacérée, triturée, transpercée!.

Ca sort! Une heure, deux heures, trois heures! Sans un mot. Debout. De bout en bout. De l'intérieur. De lui à moi. De moi à lui.

La porte du monde se ferme.

Enfin,l'homme s'approche, m'effleure, me touche.

Lui et moi! Seuls! Nous nous cherchons sans rien vouloir.

Le monde déjà loin, derrière la porte.

Nos peaux se connaissent à tâtons, tremblantes de proximité, baignées de gratitude.

Il n'y a plus d'ailleurs.

Etreinte. Chaleur animale.

Au coeur de nos sens. Au bout du bout de nos corps.

Propulsés, implosés de désir.

Lui, mon île. Moi, ses ailes de plaisir. Et l'inverse, aussi.

Nos mots sont chants de feu.

Nos corps comme deux mains d'infini.

Incandescence à voltiger si loin. Pour moi, pour lui, c'est l'évidence. Ça n'en finira pas de nous étonner.

L'extase est sans limite.

Notre monde n'en finit pas de s'ouvrir.

Temps sculpté. Déchirure incarnée.

Caprices des corps saisis dans l'ivresse.

Et l'autre qui ensemence le désir, désir fou, fou de liberté.

 

Ces jours, ces nuits nous raptent, nous mènent.....Où? Où ça?

Où bat le coeur tambour?

Le voyage est sans détour, sans retour.

 

L'homme est parti, un soir. J'ai aperçu son ombre immense sous le réverbère. Puis, il a glissé tout en bas, sous le nuage de sable.

Etreinte non éteinte.

Son empreinte, je la distingue encore sur le blanc du mur.

Etreinte non éteinte.

Le voyage est sans retour.

 

Comment l'homme, s'était-il introduit chez moi?

Pour quelle raison ou déraison?

Quel espoir ou désespoir?

Pas une seule piste.

Seul, le mystère.

 

FREDERIC POYET

Nouvelle fantastique avec choix du titre dans une liste:

Sur son échafaudage mobile, tout en haut de cette tour de verre aux mille reflets, le laveur de

carreau s’accordait une petite pose.

Contemplant son reflet dans cet immense miroir son esprit vagabondait, mille et une pensées

se bousculaient, quand soudain la baie coulissante s’ouvrit.

Face à lui, dans une immense prairie, une reine de coeur colérique, un lapin très en retard, et

une théière dodue et sympathique le dévisageaient encore plus surpris que lui!

En passant la porte de mon appartement, je senti immédiatement ce délicat fumet en

provenance de la cuisine.

Depuis ce matin, le ragout cuisait à feu doux.

Soulevant le couvercle, j’ajoutais quelques herbes de Provence et une pincée de sel, avant de

descendre à la cave chercher un grand cru.

Il fallait que ce soit une fête.

Ce soir j’avais un très vieil amis pour le diner, j’espérais que la marinade et la cuisson

avaient rendu sa chaire bien fondante.

La seconde hypothèse est la plus effarante.

De deux choses l’une, ou c’était du premier coup, ou il s’y était repris à deux fois.

Au premier abord, il avait agit seul.

Mais il y avait trois empruntes, deux de trop, ça faisait donc trois tueurs.

Ils avaient agit en deux temps trois mouvement, avant de filer en quatrième vitesse.

Peut-être un cinq à sept qui avait mal tourné, pensa-t-il.

 

6 octobre 2012

Métiers imaginaires

Où l'on découvre des petits métiers disparus

LE FABRICANT D'ASTICOTS "Paris anecdote" d'Alexandre PRIVAT d'ANGLEMONT
 LE DONNEUR D'HEURE  de  Cyrille FLEISCHMAN

Où l'on invente des métiers imaginaires

LE DISEUR DE RIENS de PLANTIVE et GUERARD

LES RAMASSEUSES DE RICOCHETS de Rémy LEBOISSETIER

LE BERGER D'EAU d'Henri MICHAUX

 

CLAIRE MORIN

LE DANSEUR DE MER

Qui n'a pas admiré une mer déchaînée un jour de tempête ?

Il est aisé de croire que seule le vent est responsable de cette chorégraphie alors, que derrière tant de beauté se cache le travail assidu du "danseur de mer"

Tout les jours, quelque soit le temps, il vient au bord de la mer, l'observe, l'apprivoise. Avec des gestes cent fois répétés il se coule au milieu d'elle, l'accompagne dans une danse singulière.

L'homme est la mer ne font qu'un, jouant l'un l'autre à dessiner chaque jour des figures nouvelles.

parfois la mer moins docile veut seule jouer sa partition. Alors le danseur tente de reprendre le cour de la séance guidant la mer en des vagues gracieuses. Peine perdue,

l'élève affronte le maître en une danse violente et dévastatrice qui peut sur un simple souffle redevenir douce et apaisante.

 

MICHEL RIMAUD

LES INSEPARABLES

 

1. L’escaladeur de mer était un jeune homme débordant d’énergie.

Il suivait de près la météo, et dès qu’un coup de vent était annoncé, on le voyait arriver, palmes à la main et sourire au visage.

En quelques instants, il avait rejoint les premières lames déferlantes et s’échauffait sur elles, retrouvant ses sensations et sa communion à la nature. Puis il se dirigeait vers les plus grosses vagues, pour peaufiner sa technique : palmage énergique des jambes, et appui vigoureux et alterné des deux bras, munis de petites palmes autour des mains...

Parfois il réussissait à s’embarquer sur un bateau, et pendant que tous les passagers malades se terraient dans leur cabine, il s’attachait par une longue aussière au bateau, et s’élançait dans l’eau, à la recherche des plus grosses déferlantes…

Bien qu’encore jeune, il avait déjà connu l’extase, le nirvana, l’expérience ultime de sa confrérie : par une soirée d’automne, debout sur le pont d’un bateau de vrac, il aperçut le Graal … Un mur d’eau, quelque chose de noir et d’effrayant qui barrait l’horizon; il se rapprochait dangereusement, semant la panique chez les marins, qui courraient aux canotes.

Alors que fusait le mot de ‘vague scélérate’, lui voyait enfin la montagne d’eau de ses rêves,

l’Everest des escaladeurs de mer … Lorsqu’elle fût là, que le bateau commençât sa descente inquiétante avant de recevoir une avalanche gigantesque qui le brisa en deux avec un craquement épouvantable, lui avait eu le temps d’escalader à toute vitesse les trente mètres qui lui faisaient face, et ivre de bonheur, il coupa vite la corde qui le reliait au bateau.

Cela lui sauva la vie, et il se tint sur cette montagne liquide comme sur un énorme dinosaure qu’il aurait apprivoisé, surfant ainsi jusqu’au rivage.

Toute sa vie fut illuminée par cette expérience grandiose, et il y pensait souvent lorsque le temps était trop calme.

 Sinon, il allait voir son ami, le Rameur de feuilles mortes …

 

2. le Rameur de feuilles mortes avait dû assumer une hérédité complexe et contradictoire.

Adorant ramer et naviguer sur les eaux, il avait été victime d’un traumatisme, et ne pouvait plus s’aventurer sur l’élément liquide.

Comment concilier alors cette passion, dont il voulait faire un métier, et l’impossibilité concrète de la vivre ? … Il avait bien essayé de poser sa barque sur le sol d’un jardin public, mais il se sentait terriblement ridicule … et d’ailleurs faillit être embarqué par des messieurs en blouse blanche. Toutefois cela lui attira la sympathie d’un passant, qui lui avoua affronter la même problématique, et qui mieux est, grâce à la magie d’internet, être en liaison avec tout un réseau de « Rameurs empêchés de ramer » …

Notre homme imagina alors mettre en commun toutes ces bonnes volontés, en montant un parc de feuilles mortes, sur lequel lui et ses semblables pourraient ramer à loisir …

Ainsi fût fait ! Non seulement cette solution leur plût à tous, mais notre homme se forgeât ainsi un vrai métier, s’occupant de l’entretien, des formations et gérant toute l’activité des Rameurs de feuilles mortes.

Il avait deux saisons : du printemps à l’hiver, période où les feuilles mortes stockées faisaient merveille, et la saison enneigée, où l’on avait aménagé un stade de neige pour les amateurs.

 Ainsi nos deux amis avaient ils des expériences variées à se raconter !

 

FREDERIC POYET

Qui se souvient de ces temps maudits, ou toutes les eaux étaient encore limpides, et traitreusement cristallines?

 

Il y en eut des drames, et des déconvenues avant que ne fut créée la «Confrérie des badigeonneurs de pluie».

 

Finies les ondées perfides, qui vous mouillaient, jusqu’à l’os, l’honnête passant sortant de chez lui, et incapable de discerner l’averse invisible. Fini le grain scélérat, s’abattant sur le navire en plein océan, avant même que l’équipage de s’équipe de cirés et de kabig.

 

Finies les heures sombres, les Badigeonneurs de pluie savent colorer de toutes les nuances de gris, la petite ondée, ou l’orage de printemps, le crachin dans le brouillard, et même la grêle dévastatrice. Ils ont rendu visible la pluie qui s’annonce, et tout est pour le mieux depuis qu’on créa la fonction tant convoité, de «Capitaine de l’arc-en-ciel», pour annoncer le retour du soleil.

 

SABINE RIMAUD

 

  •  Dis-moi, tu pêches quoi ?
  •  des chaussures
  • en saumure ?
  • en chaussures
  •  en chaussures…
  •  en chaussures. Tatanes - godasses - pompes - grôles ; bref, en chaussures.
  • Je vois. Tu es pêcheur de chaussures.

 

Mais tu pêches quoi comme chaussures ? Parce que là c’est essentiel ce que tu pêches ! Çà te dessine un homme des chaussures !

 

  •  Çà dépend. Si je mets le treillis et que je prends mes seaux, je pêche des bottes. Je ne garde que les bottes sans semelles.

 

Si je mets la minijupe, je chasse des tatanes mûres, celles que l’on peut cuire au four.

 

Avec des lunettes vertes et une perruque en laine, plus le filet de pêche, c’est chasse aux escarpins.

 

Si je prends mon cheval alors je pense aux grôles ;

 

Et le scaphandrier, c’est bien pour les godasses.

 

  • Alors comment tu fais comment pour attraper des pompes ?
  • Des pompes ? Soit précis dans tes questions ! à huile ?

 

À eau ?à sang ? À vélo ?

 

Les pompes à huile c’est pour la noël.

 

Les pompes à eau, c’est date du déluge. Tu sais, quand on fait venir les hommes et les bêtes deux par deux pour la reproduction.

 

Les pompes à sang, c’est gore ; j’y vais à reculons.

 

Les pompes à vélo, çà use : Une fois sur deux tu reviens avec ton vélo pendu entre deux branches comme pour le gibier.

 

Mais la pêche que je fais de temps en temps, c’est la pêche à pomper l’air. L’air, tu le mets en boite. Et tu t’installes en ville dans un lieu très passant, et tu cries : « il est beau mon bol d’air ! L’est pas cher ! De l’air de pêcheur de chaussures c’est votre chance du jour! !

 

Tu peux aussi te planter devant l’autre et tu lui dis, yeux dans les yeux mains sur les hanches, comme moi, là, devant toi :

        

               « C’est pas que tu m’pompes l’air vu que tu sais pas pêcher, mais si tu partais chasser les escargots ?

 

CHRISTOPHE LAROCHE

 

Jean-Hugues Varna

Tronçonneur de malheurs

 

Les lettres se détachaient lisiblement de l’ancienne plaque en cuivre, patinée par le temps, consciencieusement vissée sur la lourde porte d’entrée.

Ce n’est qu’en s’approchant que l’on pouvait lire en dessous :   En tout genre

Des malheurs, Jean-Hugues en avait tronçonné des centaines. Son père, son grand-père, avant lui, faisaient de même.

On venait le voir de très loin, la réputation de la famille étant connue au- delà des dernières collines visibles depuis le clocher du village.

Chacun arrivait avec de gros malheurs accablants, le genre de malheurs qui pèsent tant que l’énergie vitale vient à manquer.

L’idée était fort simple : tronçonner un énorme malheur, insupportable, en petits malheurs, individuellement compatibles avec une vie quotidienne relativement normale. Petits malheurs plus faciles à digérer, à assimiler, l’un après l’autre, dans l’ordre désiré. Au bout du compte, le malheur originel pouvait ainsi être surmonté.

Cette façon de procéder convenait à la majorité des visiteurs.

Si jamais le résultat se faisait trop attendre, qu’un ou plusieurs petits malheurs ne passaient pas, Jean-Hugues disposait d’une solution complémentaire : envoyer le malheureux voir le rémouleur d’optimisme, facile à reconnaître avec sa meule qui chantait joyeusement, baladée au hasard des rues du village.

Il n’était guère de petits malheurs qui résistaient à l’affûtage des pensées positives, lesquelles finissaient toujours par avoir raison des résistances des plus récalcitrants.

 

 

 

 

 

 

14 avril 2012

Poésie

Ateliers hebdomadaires avec les collégiens au collège Marseilleveyre 2011-2013

ANIMANIA

 

Je t’envoie dormir                                        Je t’ultrason                                  Je te miaule chatonnement

Je te griffe                                                    Je te hennis                                   Je te couine en sourisant

Je te ruse                                                      Je te miaule                                  Je te rugis lionnellement

Je te croque                                                  Je te sssssssssss                          Je te siffle en serpent

Je te chasse                                                   Je t’éléphante                               Je te dophine ultra-sonnellement

Je te fais mal                                                  Tu me serpentes                          Tu me jaguarugis

           Julie Prat, 5ème                                     Tu me léopardes                          Tu me croasses

                                                                        Tu me lézardes                             Tu me caresses le nénuphar

                                                                        Tu t’élan ces                                 Tu me hennis au galop

                                                                        Tu me renardes                            Tu me bêles moutonnement

                                                                                                C,5ème                                                     M.S,5ème

 

Tu me rends chèvre, Tu me rends baleine et je m’envole

Tu me péroques, je te rend pirate comme une pie

Tu m’as béliété

Et on a sauté à saute-moutons

Et on a moutoné, piallé, et tu m’as phasmé, on était fous.

                                                                 Jean-Baptiste, 6ème

 

Je te miavore

Tu me fixes de lynx

Je te souris

Tu me beez bee

Je te flaire

Tu me serpentivores

Je te sniffe

Tu me tortu’tionne

Je te serpentivore

                 Julie, 4ème

 

CHAUSSUREMANIA                                                                            ARTMANIA

Je te dc martirise                                                                                Je te peinturlure

Tu m’écrases tropéziennement                                                       Tu m’esquisses

Je te sau-convertise                                                                           Tu me crayonnes

Tu me volenikirises                                                                             Tu me colorises

Je t’escalade bensimonement                                                          Et me promarkerises

Tu me fais tomber                                                                              Je te gomme

Je te marche dessus très victorieusement                                     Tu me repasses à la plume

Tu m’escarpines                                                                                  Je te dessine

Je t’enjambe ashament                                                                      Je te crayonne à l’aquarelle

Tu me fais courir                                                                                  Je t’encre à la plume

Je te fais huggisine                                                                                               Sahra,3ème

Tu me ballerines

Je te fais briller

Tu me fais rêver

       Mathilde,3ème           

   

Quelques poèmes

La neige qui s’efface avant de toucher le sol

Le soleil qui part avant de l’apercevoir                                      Marjorie

 

Je cours dans la nuit

Je chante pour passer le temps

Je marche dans la beauté et la fraicheur de la saison

 

Elle a des yeux dans la mer

Le temps qui passe, des flaques d’argent tremblent sur le sable

Ton silence et tes beaux yeux et jamais ne s’arrête.

 

Le violon s’exclame comme un cœur amoureux

Mon verre est vide comme un visage triste

A l’air terne, frémissant de trahison.

 

Quand nul ne la regarde, une ombre descend

Quand tout le monde a les yeux rivés sur elle, une personne remonte.

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