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Les Baladantes
23 octobre 2015

Nous sommes sensibles aux couleurs

Choisir une couleur, écrire son ressenti.

Le Noir

Mais qu'est-ce que le noir ? Qui y a-t-il dans cette anti-couleur ?

Le plumage du corbeau, présente une variation étonnante de bleus, de verts, de mauves et de violets qui juxtaposés donne bizarrement un effet d'absence de couleur, un noir intense enfanter de toutes les couleurs.

Dans mon métier quand on veut rendre le noir  absolument opaque pour en faire un noir 'riche', on y rajoute par dessous une légère trame de Cyan ou de Magenta. Cet accent de couleur viendra 'clore' les pores du noir appliqué en surface. N'est-il pas paradoxal que le noir qui empreint l’œil d'un champ d’obscurité absolu, dépende intimement pour son dessein des couleurs qui en forment l’antithèse ? Le mystique y reconnaîtra l'humour du Dieu créateur, le pragmatique l'intelligence du cosmos.

J'ai toujours envié les gens à la peau sombre, pour ce que les vêtements  de toutes les couleurs les siéent indifféremment... sauf peut-être le noir.

 

 

Écrire un texte autour d'une couleur.

À propos du rose

L'autre jour, je me remémorais cette lubie de l'enfance quand nous inventorions, tout ce que nous en étions convaincus, nous singularisait les uns des autres. De nos goûts nous avions fait un miroir à partir duquel nous présumions observer les reflets du caractère de chacun.

Pendant la recréation, dans la cour ou sous les préaux, aux anniversaires, à l'heure du goûter, le mercredi chez les copains, au tennis ou à l’équitation nous n'avions de cesse de nous questionner les uns les autres: « C'est quoi ton animal préféré ; ta voiture préférée ; ton héros ; ton chanteur ; ta saison ; ton jour ; ton pays ; ton gâteau ; ton bonbon ; ton jeu ; ton équipe préférée ? » Mais dominant toutes les autres interrogations il y avait l'absolue sainte patronne des investigations : « C'est quoi ta couleur préférée ? »

Cette question m'embarrassait beaucoup et me plongeait intérieurement dans une perplexité acerbe. En effet aucune des couleurs de l'arc-en-ciel ne s'imposait à moi avec autorité ou évidence, mes réponses changeaient donc souvent, et il me semble bien que toutes manquaient d’enthousiasme et de conviction.

Me laissant porter aux inclinaisons de ma mémoire musarde et de mon esprit songeur, je me pris tantôt à envisager quelle réponse je ferai présentement à cette question. En considérant l'hypothèse, j'ai découvert un clair-obscur qui bride mon élan, qui désavoue mon ressenti. Aujourd'hui encore je conçois les mêmes scrupules à répondre que j'en avais à l’âge tendre.

J'aimais le rose, au demeurant celle-ci reste ma couleur favorite. Mais les conventions, dont par ailleurs j'endossais tout de go la croyance, énoncent un autre axiome : Les garçons se doivent de choisir le bleu, les filles le rose ? Faire état de ma préférence m'aurais à coup sûr valu la désapprobation de mes camarades. Sans doute ressentais-je instinctivement le danger dans lequel me plaçait le paradoxe de mon choix ? Évidement, j’évitais l'ostracisme en suivant mon instinct, en taisant mon sentiment.

Et voici qu'à présent les griffures et les craintes de mon enfance refont surface. Effectivement, je prends encore le parti d'un effacement prudent et je constate que mes couleurs de prédilection se trouvent aujourd’hui diamétralement à l'opposé de mon rose chéri. Dés lors toute réponse que j'apporterai à la question constituerait une vérité tronquée qui m'interdit l’éloquence affirmative.

J'aime l’énergie du rose, sa jeunesse, sa douceur et toute la symbolique de romantisme chevaleresque qu'il évoque. Par contre au quotidien quelle galère !  Pour un garçon, choisir le rose revient à se livrer en pâture à une méchanceté dérivée de préjugés absurdes et rétrogrades. En société on affuble couramment d'étiquettes homophobes les hommes partial au rose. Pour autant, taxe-t-on de saphisme une femme qui affiche une préférence pour le bleu​ ? Tout le monde sait que les garçons naissent dans les choux et les filles dans les fleurs. Quant aux homosexuels, vous l'aurez deviné, ils naissent dans les choux-fleurs.

Le code vestimentaire masculin accorde au rose une place très restreinte. Rien ne s'oppose à une chemise rose coquille d’œuf voire même cuisse de nymphe sous un costard gris ou une cravate rose cerise portée sur une chemise bleue nuit. Imaginez maintenant un homme chaussé de baskets rose bonbon, un foulard rose fuchsia noué au col et revêtu d'un costume rose malabar sur une chemise jaune souffre. Avouez que comme moi, vous avez involontairement imaginé cet individu efféminé, ambiguë peut-être aussi sodomite. Dois-je rapporter ici les épithètes dont les 'braves gens' calomnieront notre homme, les bons mots qu'ils trouveront pour dénigrer son héroïsme – franchement arborer un tel accoutrement en société indique assurément une personnalité courageuse doublée d'une âme intrépide, triplée d'un cœur fier. Michel Polnareff s'estima contraint d'attester d’une évidence en chantant « Je suis un homme ». Cette profession de foi fut-elle nécessaire en raison des boucles exubérantes de sa chevelure dorée ou bien à cause de la paire de lunettes blanche – autre couleur féminine – juchée sur son nez ? Lopette, pédale, tantouze, tapette, tafiotte, frégate voilà quelque uns des quolibets qui fusait dans les salons à son propos. Ce vocabulaire peu employé par les invertis ou les voltairiens, demeure aujourd'hui encore tristement familier à l’armée des moralement bornés, des cérébralement limités. Bien-sûr il se peut que notre ami soit un milliardaire, que sa fortune le place au centre d'un théâtre consacré au politiquement correct, ou encore que les faveurs qu'il lui sied d'accorder le protège du franc parlé de son entourage à défaut de l'épargner de sa bêtise.

Si je vibre harmonieusement avec les nuances et la truculence du rose, je constate que ma garde robe en fait le démenti. Quant bien même les astrologues chinois me décerneront le signe du cochon – animal rose par excellence – j’évite néanmoins de partager cette préférence esthétique, à moins de me trouver en compagnie fiable et bienveillante. Au travail, à la fête de l’école, pour aller au spectacle ou faire les courses je me détourne du rose en faveur de tons plus conformes. Quand je m’apprête pour de telles occasions, mes couleurs de choix seront le noir, le gris et le bleu. Sagement mes appendices électroniques sont de couleur argentée.

                                                                                                                                            TAJ

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