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Les Baladantes
12 février 2013

Inspiré par Edward Hopper

Une belle expo au Grand Palais à Paris

Tout l'univers esthétique de Hopper nous parle, the american way of life!

On a envie d'imaginer la vie des sujets peints par Hopper, loin d'être énigmatiques on a l'impression  qu'ils vont se mettre à nous raconter leur vie, leur histoire.

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Frédéric POYET

Edward Hooper: «excursion into philosophy» 1959               excursion-into-philosophy-530x398

Quel con! Putain quel con!

Quand je pense qu’on est venu ici pour se retrouver.

Marre de ce soleil imbécile.

Cette lumière me donne envie de gerber.

Pourquoi cette incapacité à réagir?

Je suis là, plus seul(e) que jamais, pétrifié(e).

J’arrive plus à penser, vidé(e) tout simplement vidé(e).

Et l’autre débile, peut pas dire quelque chose.

Faut vraiment que je me barre, j’étouffe, je crève.

Si j’entend une mouette, j’me lève et je m’casse.

So long,

goodbye evry body...

Ca fait vingt ans, je m’en souviens comme si c’était hier.

D’ailleurs à chaque fois que j’entend le cri d’une mouette je repense à cette après-midi.

Merci la Mouette, j’étais incapable de décider.

Je me suis levé(e).

- Ou tu vas?

- Je descends chercher des clopes, qu’est-ce que ça peut te foutre?

Le parquet craque, la porte claque, je sens l’odeur de vielle moquette de l’escalier,

les effluves d’une vague pourriture.

Puis cette bouffée d’air marin quand je suis sorti(e) sur le perron.

De l’autre côté de la rue au bus-stop, un Greyhound.

Il va où? J’m’en fous! Il démarre.

-Attendez!

Deux dollars fifty cents.

A l’arrière je m’endors.

C’était hier, il y a vingt ans,

Goodbye so long.

 

Christophe LAROCHE

625x351!                  C’est le moment.                                        

Sa vie, William Johnson, avait tout pour la réussir.

Il était le fils de Georges Johnson, P.D.G. de la Johnson & Johnson corporation qui assurait plus de la moitié des habitants de l’Etat. La Double J comme aimaient la nommer les assurés, témoignage du lien intime qui les liait à la compagnie.

Une voie toute tracée s’offrait à William, déclinaison d’un destin on ne peut plus banal. Il succédera à son père à la tête de la Double J avec en héritage la considération de tous ces anonymes.

Seulement voilà, c’est justement cela qui lui posait problème. Son tempérament, il en avait un, s’accordait mal avec une vie sans effort où tout était déterminé par avance.

Il avait besoin de prouver à son entourage qu’il avait les compétences requises, qu’il méritait à part entière d’accéder à ce sommet que d’aucuns, parmi les associés de son père, pouvaient convoiter.

Il s’était mis à travailler avec acharnement, passant le plus clair de son temps à éplucher avec la plus grande méticulosité le moindre dossier, relevant ici une erreur de filiation, là une mauvaise adresse.

Cette constance dans le labeur suffisait à lui donner bonne conscience. S’il arrivait un jour, comme prévu, à la tête de la Double J, ce ne serait pas par pure convenance héréditaire.

Travaillant tard tous les soirs, sa vie sociale s’en trouvait réduite à l’extrême. Comme vissé à son fauteuil, à peine jetait-il de temps à autre un regard furtif autour de lui, sans jamais s’attarder sur un quelconque élément périphérique. Même si cet élément s’appelait Samantha, la secrétaire avec qui il partageait son vaste bureau depuis bientôt deux ans. Le meilleur moyen pour ne pas se laisser distraire par les arguments plastiques de sa subalterne.

C’était son père qui était derrière le choix de cette « partenaire de travail », mots qu’il avait utilisé pour la lui présenter le premier jour. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que Samantha était l’objet d’un plan prémédité. Que Georges Johnson, face à l’extrême pauvreté de sa vie affective, avait cru bon de prendre les choses en main.

L’idée que son père avait osé programmer Samantha comme l’éventuelle mère du petit-fils qu’il désirait pour assurer la succession future de la Double J l’avait rendu malade, le décidant à s’enfermer encore plus hermétiquement dans son travail. Cette situation lui était apparue d’autant plus insupportable qu’il était persuadé que Samantha, s’étant prêté à un jeu qui la dépassait, n’avait sincèrement aucune envie de partager sa vie avec un individu aussi peu engageant que sa personne.

 

Il est tard. Les secondes passent, et Samantha n’a pas quitté le meuble pour dossiers suspendus, les mains posées sur l’avant du tiroir entrouvert à sa hauteur, le regard fixé sur une feuille au pied du bureau de William Johnson.

“ Deux ans ! Cela fait bientôt deux ans que je travaille pour lui sans qu’il semble s’intéresser à ma personne. Jamais, il n’a daigné me regarder dans les yeux. Seulement quelques coups d’œil furtifs, sans âme.

Mais qu’a-t-il donc pour m’ignorer de la sorte ?

Son père m’aurait-il mené en bateau ?

C’est parce que monsieur est le fils du patron que monsieur n’a pas plus de considération pour sa secrétaire que pour un vulgaire dossier ?

Mais qu’est-ce qu’il lui faut à ce blondinet pour observer la réalité en face ?

Une belle brune avec « une carrosserie à faire pâlir les plus belles américaines », comme aime à le répéter mon garagiste, cela ne lui fait aucun effet ?

Il est en marbre ou quoi ce « bouffe-paperasse » ?

Ou alors, c’est qu’il est gay ?

Ce serait bien ma veine.

Allez une dernière tentative pour en avoir le cœur net.

Cette scène, je l’ai répétée mille fois dans ma tête.

La feuille est enfin tombée au bon endroit, c’est le moment.

N’oublie pas d’ouvrir le haut de ton chemisier ma chérie, puis va la ramasser tranquillement, cette feuille, en prenant bien ton temps.

Rester accroupie, relever la tête, se cambrer suffisamment pour mettre en valeur cette poitrine généreuse dont la nature t’a pourvue.

Un petit raclement de gorge pour le sortir de sa torpeur. Un sourire suggestif. Et là on verra bien si cette vision d’une femme désirable et offerte le laisse toujours de glace, ce gommeux !

Allez vas-y ma chérie, dis-toi bien que le jeu en vaut la chandelle ! ”

 

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